Gone Baby Gone est un excellent drame moral, porté par une ambiguïté très bien gérée. Le film mène vers une fin qui ressemble à un happy ending en apparence, à savoir une enfant retrouvant sa mère, mais qui laisse en réalité un profond malaise. On se retrouve, comme le personnage de Casey Affleck, à se demander si cette décision était réellement la bonne. C’est là que le film est brillant : il construit patiemment un dilemme où aucune issue ne semble satisfaisante, et où la morale entre en conflit avec le pragmatisme.
Casey Affleck est remarquable. Avec son jeu tout en retenue et son visage hyper expressif, il incarne un personnage pris entre la rue et la police, un homme qui s’accroche à sa boussole morale même quand elle détruit tout autour de lui. Michelle Monaghan forme avec Affleck un couple crédible et soudé, ce qui rend leur rupture finale d’autant plus douloureuse, Ed Harris est puissant et Amy Ryan est parfaite dans le rôle de la mère indigne, à la fois pathétique et détestable. Même Morgan Freeman, dans un rôle plus discret, apporte une vraie présence. Le casting n’a rien de tape-à-l’œil, mais tout le monde tient sa partition avec solidité.
Le film donne parfois l’impression qu’il pourrait s’arrêter à plusieurs moments : la fausse piste du lac, la fusillade chez les junkies et la découverte de l’enfant mort, la mort de Rémy… Mais chaque fois, il repart, comme poussé par l’obsession d’Affleck de comprendre l’ensemble du puzzle. Cette construction donne au récit un rythme particulier, presque hanté, où chaque étape renforce l’idée que le protagoniste va au bout de son devoir, quitte à tout perdre.
La mise en scène est sobre, appuyée par une musique utilisée avec parcimonie mais toujours au bon moment, et par des silences qui pèsent lourd renforçant l’atmosphère émotionnelle sans jamais la surcharger.
Un drame moral dense, superbement interprété, qui interroge profondément le sens du “bien agir".
