La nuit venue
2019 France Réalisé par Frédéric Farrucci 1h34 avec Guang Huo, Camélia Jordana, Xun Liang
Drame
Ce beau drame atmosphérique sur la rencontre entre un chauffeur de VTC et une prostituée éclaire d’un œil politique et poétique le Paris interlope.
Paris Ville lumière ? Pas quand il s’agit du monde interlope, passé minuit, où Jin, jeune et bel immigré chinois clandestin, fait le chauffeur VTC pour rembourser sa dette à une triade. Dans sa berline, un soir, il noue un lien inespéré avec Naomi, prostituée et danseuse dénudée de club privé (Camélia Jordana, d’une volupté inédite). Tous deux rêvent de fuir. Peut-être la vie est-elle moins cruelle au soleil, mais les ténèbres laissent-elles s’envoler leurs esclaves ?
Pour son premier long métrage, Frédéric Farrucci s’impose comme un vrai metteur en scène. Au long de ce beau drame atmosphérique, on pense, successivement, à Collatéral, de Michael Mann, pour les jeux de brillance sur l’asphalte et les carrosseries, et à Wong Kar-wai, tant la lumière des néons nimbe les lieux et les visages — dont celui de l’acteur principal, Guang Huo, un non-professionnel au charisme subtil.
Plane, aussi, le souvenir bleuté d’un certain cinéma français, celui de Leos Carax ou du Jean-Jacques Beineix de Diva, qui ne craignait pas de styliser la ville insomniaque. Alors que tout n’est que tension, que le danger guette à chaque coin de rue, le périphérique, un moment, se meut en un ruban de poésie, où l’amour semble possible. Et la BO de Rone, grand musicien électro, caresse et électrise tout le film.
Le réalisateur traque la vérité de Paris dans toutes les zones d’ombre : hangars, chambres de marchands de sommeil et recoins sous les ponts cachent les combats de clandestins pour survivre, les camps d’infortune de sans-abri devant lesquels nous passons, piétons ou automobilistes, sans ralentir. La Nuit venue appartient à la famille de ces films noirs qui savent donner à un propos résolument politique les atours de la beauté.