Située dans un futur proche, l’histoire est celle de deux personnages confrontés aux conséquences du réchauffement planétaire en cours, Frank May et Mary Murphy. Leurs destins se croisent suite à l’instauration d’un « Ministère du futur », une nouvelle institution placée sous l’égide de l’ONU, chargée de défendre les droits des générations futures en vertu de l’Accord de Paris sur le climat. Point de départ d’un récit politique haletant, entre réalisme et science-fiction, dont nous avons sélectionné ici quelques-uns des nombreux mérites.
Pour son intrigue politique
On le comprend rapidement à la lecture, le « Ministère » qui donne son titre au livre n’en est pas un. Du moins pas un au sens traditionnel du terme : ni gouvernement ni cabinet national à suivre, ici, l’affaire est internationale. À l’aube des années 2020, l’institution est créée en vertu de l’Accord de Paris sur le climat, dont le calendrier d’application tarde à faire ses preuves. L’objectif de ce nouveau « Ministère du futur », basé à Zurich et placé sous l’égide de l’ONU, est donc d’accélérer la transition, en défendant les générations futures comme si leurs droits étaient aussi importants que ceux des générations présentes. En 2025, une certaine Mary Murphy, ancienne ministre irlandaise des Affaires étrangères, est choisie pour le diriger.
À peine nommée, celle-ci doit gérer les conséquences géopolitiques de l’une des vagues de chaleur les plus meurtrières de l’Histoire, qui tue quasi-instantanément des dizaines de millions de personnes en Inde. Plaidoyers, taxes, incitations économiques… Murphy utilise alors tous les instruments à sa disposition pour convaincre les États de passer à la vitesse supérieure. Jusqu’à sa rencontre avec – ou plutôt, sa séquestration par – Frank May, l’autre protagoniste du roman, un travailleur humanitaire encore traumatisé par le drame indien.
Dans un geste aussi désespéré que bouleversant, May finit par convaincre Murphy de créer un « département fantôme » au sein même du Ministère du futur, chargé de mener des actions illégales pour faire avancer la cause climatique. Quelque part entre Sabotage, Andor et House of Cards, le récit prend alors la forme d’un véritable thriller politique, au cœur des sphères militantes et des arènes institutionnelles, dont les interconnexions apparaissent de plus en plus évidentes.
Pour sa capacité de vulgarisation
Avant de trouver son rythme de croisière, le livre s’ouvre sur un court chapitre brutal et saisissant, consacré à la description de la fameuse vague de chaleur inouïe qui touche le nord de l’Inde à l’été 2025. Le réseau électrique sature, les systèmes de climatisation plantent, les hôpitaux sont débordés. Pire : ce que les scientifiques appellent la « température du thermomètre mouillé », une unité qui combine la mesure de la chaleur et celle du taux d’humidité, se stabilise autour de 38 °C. Le chiffre paraît relativement bas ; il est pourtant suffisant pour que le corps humain cesse de produire la sueur qui lui sert à se refroidir. Des citoyens ordinaires s’effondrent instantanément en pleine rue. Beaucoup ne se relèveront jamais : en une semaine, le pays dénombre 20 millions de morts.
Jamais les impacts du réchauffement climatique n’avaient été aussi bien incarnés sous la forme d’une fiction littéraire
Scénario catastrophe ? Plutôt la description froide d’une menace déjà mentionnée, hélas, dans moult rapports scientifiques. À ceci près que le sujet n’avait jamais été aussi bien incarné sous la forme d’une fiction littéraire. La vulgarisation scientifique ne s’arrête d’ailleurs pas là, puisque les chapitres suivants sont consacrés au sujet on ne peut plus complexe de la géo-ingénierie.
En Inde, le traumatisme est tel que le gouvernement se lance en effet dans un projet à grande échelle de manipulation climatique. Des avions militaires indiens imprègnent le ciel du pays de particules de dioxyde de soufre, capables de renvoyer une partie des rayons solaires dans l’espace. Objectif : « reproduire » l’effet de l’éruption du volcan Pinatubo aux Philippines en 1991, qui avait (légèrement) fait baisser les températures mondiales durant quelques mois. La technique n’est pas « mûre », les effets secondaires pourraient être catastrophiques, avertit la communauté internationale. Trop tard, répond l’Inde : chez nous, la tragédie menace de se reproduire, voire de s’amplifier. Le jeu en vaut-il pour autant la chandelle ? Dilemme cornélien que l’auteur lui-même se refuse à trancher…