Notre monde

Sujet difficile et poignant...l’urgence de cette jeunesse oubliée qui veut vivre le présent mais aussi se projeter dans l’avenir

D ‘ abord, deux jeunes filles inséparables, dans ce genre de village qui pourrait être n’importe où sur la carte et où toute jeunesse peut se sentir empêchée. Mais nous sommes au Kosovo, en 2007, et pour Zoé et Volta, les deux cousines belles comme le jour, ce village reculé est un triste cul-de-sac, entre l’après-guerre et le mariage comme seul débouché. Alors, une nuit, elles fuguent au volant d’une vieille bagnole, direction la ville, Pristina, et son université. Elles parlent déjà de leurs diplômes comme d’un sésame pour une autre vie, mais dès l’inscription face à une secrétaire au visage désabusé, leurs espoirs prennent du plomb dans l’aile. Ce n’est que le début d’un parcours de désillusion dans ce pays désorganisé, soumis aux tensions politiques et sociales, incapable de répondre aux vœux de la nouvelle génération. Après le remarqué La colline où rugissent les lionnes, la jeune actrice et réalisatrice franco-kosovare Luàna Bajrami revient sur le sujet de l’émancipation avec cette chronique étudiante pleine de soubresauts, de fureur et de délicatesse. Les films évoquant le passage à l’âge adulte sont légion, chroniques sur des vingtenaires qui se débattent pour s’en sortir… Pourtant, c’est comme si Zoé et Volta étaient les premières depuis longtemps, tant le regard de l’autrice magnifie ses deux compatriotes, le moindre de leurs tracas ou de leurs emballements, au milieu de nouvelles amitiés avec des étudiants contestataires ou des filles qui ont cessé d’espérer depuis longtemps. À lire aussi : Les États-Unis au bord de la guerre civile ? Peut-être pas seulement au cinéma On boit bière sur bière, on fume clope sur clope, on choisit la lutte ou la débrouille, selon une mise en scène au naturalisme frémissant. Et quand une vraie tragédie survient, au petit matin, après une nuit de bringue, le seul bruit de la chute d’un corps, lors d’une séquence puissante, précipite les choix de Zoé et Volta. L’une danse, l’autre pas : ce pourrait être le sous-titre d’un film qui confirme que la cinéaste, elle, a bien trouvé sa voie. PLUS D'INFOS Titre