7.6/10
2021
•
Drame / Romance
•
2h01
Regarder en ligne
Partager le memory
Résumé
Un triangle amoureux, un piège de la séduction raté et une rencontre qui résulte d'un malentendu, racontés en trois mouvements pour mettre en scène trois personnages féminins et tracer les trajectoires entre leurs choix et leurs regrets.
Très perturbant mais palpitant
De Ryusuke Hamaguchi. Réalisateur de drive m’y car, Asako 1 et 2, Senses Bien aimé. Telerama : On le sait depuis Musset, il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée. Le professeur Segawa (Kiyohiko Shibukawa) ne clôt jamais celle de son bureau. Ce qui se produit dans la petite pièce encombrée de livres de français, la matière qu’il enseigne, doit demeurer visible, audible, de tous ceux qui passent dans le couloir de la fac. La transparence érigée en règle stricte. Même quand un garçon, prosterné devant le maître inflexible, pleure et supplie parce qu’il a été recalé. Même, et surtout, lorsqu’une étudiante admirative, Nao (Katsuki Mori), prie Segawa, romancier fraîchement primé, de lui dédicacer un chapitre torride de son livre… avant de le lui lire à voix haute. « Attention les yeux ! » a-t-on coutume de dire. Concernant le cinéma de Ryusuke Hamaguchi, il conviendrait d’ajouter « Attention les oreilles ! », tant il a l’art de mettre les mots en scène et, parfois, de joindre le sexe à la parole – c’était déjà patent dans Drive My Car . « La Porte ouverte », deuxième des trois chapitres de ces merveilleux Contes du hasard et autres fantaisies, fait rougir les tympans. De sa voix douce et monotone, comme en écho à la longue scène de lecture de Senses 3 & 4 (2015), Nao, appliquée, articule le récit pornographique devant son auteur apparemment imperturbable. Ces quelques minutes suspendues, dans une intrigue dont on n’éventera ni les ressorts ni l’issue, font une manière de thriller érotique où la tension tient autant à la situation – n’importe qui pourrait les surprendre dans ce huis clos pas clos – qu’à ces longs plans fixes laissant imaginer l’émoi contenu des personnages. Film à sketchs, appellation commune qui laisse parfois craindre le pire, Contes du hasard et autres fantaisies, Grand Prix du jury à la Berlinale 2021, évoque en réalité un recueil de nouvelles – là où Drive My Car, bien qu’inspiré d’une nouvelle de Murakami, faisait figure de grand roman. Son titre original, qui peut se traduire par « Hasard et imagination », affiche dans sa version française une parenté revendiquée avec un autre cinéaste du dialogue, Éric Rohmer, mais les trois contes du réalisateur japonais – qui en promet quatre autres – résonnent avant tout avec ce que l’on connaît déjà de son œuvre. Des portraits, essentiellement féminins, brillant par leur complexité. Des confidences follement intimes, livrées tantôt à des proches, tantôt à de parfaits inconnus. La peur de passer à côté de sa vie. Le saut dans le vide au moment du choix. La présence fantomatique des disparus. « Magie ? », le premier mouvement du film, réunit deux amies sur la banquette d’un taxi. Entre les vingtenaires rieuses, la vitre arrière laisse défiler le flou de la ville, tandis que Tsugumi (Hyunri) narre à Meiko (Kotone Furukawa) son idylle naissante avec un séduisant garçon. Ils ont discuté des heures, la voilà extatique : « C’est comme si on s’était explorés avec des mots. » « C’est pas un peu cochon ? » plaisante Meiko. Qui, bientôt, ne rira plus, identifiant son ex dans le portrait flatteur du soupirant, et se rendra chez l’oublieux pour un affrontement cruel comme du Bergman. Troisième et dernière variation sur le thème de la coïncidence, « Encore une fois » pose deux femmes d’une quarantaine d’années sur les escalators d’une gare : l’une monte, l’autre descend, point de départ burlesque pour scène de retrouvailles. Persuadée de reconnaître son amoureuse du lycée, Natsuko (Fusako Urabe) suit Aya (Aoba Kawai) chez elle, brûlant de lui révéler, enfin, les regrets qui la hantent depuis vingt ans. Mais la seconde, entre préparation du thé et bavardage poli, n’a pas l’air de partager son émotion… Lâchant la bride à sa fantaisie, Hamaguchi invente dans cet épisode un monde privé d’Internet, et donc de courriels, de réseaux sociaux (et même de VOD !), par un virus informatique. Ce postulat de science-fiction, propice aux quiproquos, sert d’écrin à un échange bouleversant, qui fait écho aux sosies d’Asako I & II (2018) ou à la voix enregistrée sur cassette de l’épouse décédée dans Drive My Car. En parlant à Aya, c’est à sa dulcinée d’antan que s’adresse Natsuko en réalité, et ce jeu de rôles quasi médiumnique la soulage de tous ses regrets. Riche de tant de mots qui excitent, caressent, blessent, pèsent ou délivrent, Contes du hasard et autres fantaisies ménage une surprise permanente et permet à son auteur de briller, encore une fois, par sa splendide direction d’acteurs et la netteté de sa mise en scène. Avec ses longs plans, ses cadres posés faussement placides, la parcimonie de ses éclats – un zoom sur Meiko émergeant d’un fantasme, un travelling latéral sur elle qui s’enfuit… –, Ryusuke Hamaguchi confirme qu’il filme les sentiments en virtuose. Et qu’il sait réussir aussi des tours de malice sans jamais faire le malin.
Recommandé par Marie-Laure Arcens
2022
3 mini contes autour du sentiment amoureux . Fait un peu penser à Rohmer. Délicat
Ennuyeux…