
2023
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Drame
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1h56
Résumé
Fin des années 1990, la polarisation politique domine en Turquie. Les tensions entre séculaires et religieux sont omniprésentes. Les musulmans dévots sont ostracisés et l'armée fait souvent des descentes dans les résidences-dortoirs religieux (les "yurts"). Ahmet, 14 ans, est atterré quand son père, nouvellement croyant et pratiquant, le force à abandonner le confort de son style de vie d'enfant de la classe moyenne et l’envoie dans une de ces résidences pour étudier l’islam. Récemment converti, le père voit en cela la bonne voie pour son fils, et une opportunité de rédemption pour lui-même. Pour Ahmet, c’est un cauchemar : il est forcé de naviguer entre les attentes de sa famille, ses obligations religieuses et l’enfance à laquelle il s’accroche désespérément.
Critique mixte : “Yurt”, premier long-métrage de Nahir Tuna, s’inscrit dans une Turquie à un moment charnière, les années 1996-1997, où la bataille entre laïcité kémaliste et islamisme conservateur faisait rage. Ce contexte politique, bien connu des spectateurs turcs, reste en arrière-plan, presque un non-dit, pour laisser toute la place au récit intime d’Ahmet, un adolescent pris entre deux mondes inconciliables : le jour, un lycée moderne et laïque où il côtoie les élites, et la nuit, un pensionnat confessionnel dirigé par des religieux autoritaires. Le film alterne entre ces deux univers, dévoilant les tensions sociales et culturelles qui s’y jouent. Dans le pensionnat, Ahmet subit l’endoctrinement religieux et la cruauté de ses camarades, adoucis uniquement par l’amitié qu’il trouve auprès de Hakan, un élève plus âgé. À l’école laïque, il chante les louanges d’Atatürk et tente de s’adapter à un monde plus libre mais tout aussi exigeant. Ces allers-retours entre les deux mondes rythment le film et reflètent la confusion intérieure du personnage principal. Tourné en noir et blanc élégant, “Yurt” bascule brièvement dans la couleur lors d’une fugue lumineuse et symbolique d’Ahmet et Hakan, comme une bouffée d’air dans un récit souvent oppressant. Loin d’être un simple film sur l’embrigadement religieux, “Yurt” explore aussi des thématiques plus personnelles : la recherche d’affection, les premiers désirs flous et le besoin d’indépendance face à un père autoritaire. Si le film impressionne par sa mise en scène et sa profondeur, il peut laisser certains spectateurs à distance. Doğa Karakaş, qui interprète Ahmet, incarne un personnage complexe, mais parfois trop lisse. Sa passivité face aux événements et ses émotions contenues créent une ambiguïté qui intrigue autant qu’elle frustre. Pourtant, cette retenue reflète bien le chaos intérieur d’un adolescent coincé entre deux mondes. En fin de compte, “Yurt” n’est pas un film qui cherche à séduire immédiatement, mais sa subtilité et son ambiance marquent durablement, faisant de ce premier long-métrage une œuvre prometteuse et singulière.
Un peu long et triste
Fort, permet de comprendre les enjeux du régime islamiste et comment se construire dans un pays tiraillé
Film de Nehir Tuna · 1 h 58 min · 3 avril 2024 (France) Genre : Drame Pays d'origine : Turquie, Allemagne, France Fiche technique Turquie, 1996. Ahmet, 14 ans, est dévasté lorsque sa famille l’envoie dans un pensionnat religieux (Yurt). Pour son père récemment converti, c’est un chemin vers la rédemption et la pureté. Pour lui, c’est un cauchemar. Le jour, il fréquente une école privée laïque et nationaliste ; le soir, il retrouve son dortoir surpeuplé, les longues heures d’études coraniques et les brimades. Mais grâce à son amitié avec un autre pensionnaire, Ahmet défie les règles strictes de ce système, qui ne vise qu’à embrigader la jeunesse...
Nehir Tuna (2023)
Vu le 7.04.24 au Bijou