
2016
•
Comédie
•
1h57
Résumé
Suivez les péripéties d’un groupe d’amis qui découvre les libertés et les responsabilités de l’âge adulte. Et soyez prêts à passer le meilleur week-end de votre vie.
Comédie • Etats-Unis • 1 h 57 • de Richard Linklater • avec Blake Jenner, Ryan Guzman, Tyler Hoechlin, Wyatt Russell, Zoey Deutch. Une maison en bois peuplée de jeunes gens bâtis comme des dieux grecs, moulés dans des shorts et tee-shirts ajustés à leur belle musculature, la bouche coiffée d’une moustache bien taillée. C’est la résidence de l’équipe de base-ball de la fac texane où débarque Jake (Blake Jenner) avec sa valise et sa caisse de vinyles, à deux jours de la rentrée universitaire. Une petite usine à testostérone où les vannes claquent comme des balles de ping-pong, où l’esprit de corps prend la forme d’une compétition féroce à tous les niveaux de l’existence : sport, drague, amitié. On se déplace en meute, entassés dans une belle Dodge bleu métal toutes fenêtres ouvertes, l’autoradio crachant à plein volume des tubes de Blondie, des Cars, de Foreigner. On repère les lieux, on alpague les filles en fleurs aux jambes interminables qui renvoient en revers de volée des reparties d’intellectuelles au caractère bien trempé. On pourrait être dans un clip de Wham ! ou une publicité pour after-shave des années 1980. On est dans le souvenir idéalisé que Richard Linklater se fait de ce temps suspendu qui précède le début des années campus, période pleine de promesses et de liberté pendant laquelle les étudiants américains, arrachés au cocon familial et pas encore soumis aux astreintes de la vie d’adulte, sont rendus entièrement disponibles à leurs désirs et à l’invention de soi. En l’enveloppant dans une bulle vintage, le cinéaste texan qui a un temps pensé, comme son personnage, devenir joueur de base-ball professionnel (et écrivain), recrée l’instant de la collusion avec cet espace-temps inconnu. De Slacker (1991), où il recomposait une journée comme un collage de moments vécus par une constellation de personnages étrangers les uns aux autres, à Boyhood (2014), fiction tournée sur douze ans avec les mêmes acteurs, les films de Linklater se suivent sans se ressembler, comme autant d’expériences de laboratoire où des idées, plus ou moins liées à la perception du temps, se traduisent par des propositions esthétiques toujours différentes. Everybody Wants Some !! (« Tout le monde en veut ! ») prend peu ou prou le relais de Dazed and Confused (« Génération rebelle », 1993), peinture de la dernière journée de lycée d’un groupe d’adolescents, en 1976. Ce film de campus se déploie en un enchaînement fluide de tableaux, surfaces scintillantes et lisses, tout en couleurs vives et en sonorités pop, où le temps paraît dilaté à l’infini. Les actions sont sans conséquence. Les menaces que brandit l’entraîneur de base-ball à l’attention de qui enfreindrait les règles de la maison (pas d’alcool, pas de filles dans les étages), alors que celles-ci vont bien entendu être bafouées le soir-même, restent sans effet. Trop parfaits pour être vrais, les décors, la lumière d’été, le bleu du ciel, la qualité graphique du moindre costume, du moindre accessoire, de la moindre coiffure, créent comme un effet d’hallucination sur le spectateur, qui se retrouve dans un état proche de celui de l’auteur, mais aussi de son alter ego, Jake, lequel évolue comme dans un rêve éveillé – on ne dort pas dans Everybody Wants Some !!, du moins pas avant le dernier plan, quand démarre le premier cours de l’année. Jake ne suit pas une trajectoire : on n’est pas dans un roman d’apprentissage. Le film met à plat le conflit qu’il doit résoudre pour s’intégrer à l’équipe de baseball sans se soumettre à son emprise. Rétif à toute forme d’assignation, il est le seul sportif à ne pas porter la moustache, et peut-être le seul étudiant du campus à refuser de choisir une matière dominante, qui le réduirait, selon lui, à une identité fixe. La liberté, c’est le mouvement. De fait, le film glisse en permanence entre des scènes d’intérieur, filmées dans la maison de l’équipe de base-ball, où Jake apparaît comme un élément d’un corps collectif mouvant, et d’autres qui le voient frayer à sa guise avec toutes sortes de tribus. L’attraction qu’il éprouve pour une étudiante en art (Zoey Deutch) lui ouvre les portes d’un autre monde, raffiné et sensible, dans lequel il se découvre aussi à son aise que chez les sportifs. La rencontre fortuite d’un ancien camarade de lycée, converti au punk, qui l’entraîne le soir même à un concert, lui révèle non seulement une culture inconnue, mais la possibilité d’un rapport alternatif à l’existence, révolté, affranchi du carcan des conventions sociales. Plus qu’à sa réjouissante bande originale, plus qu’à sa singulière beauté plastique, le charme du film tient à ce talent qu’a toujours eu Linklater de saisir une vérité des gestes et des expressions, et de révéler, ce faisant, l’essence de l’instant. Quelque artificielle que soit la mise en scène, il parvient ici aussi à donner à ses scènes la force de l’évidence. Dans le grand patchwork qu’elles composent ensemble, les personnages évoluent à égalité, comme des figures archétypales bizarres, dont on ne sait jamais bien si la folie traduit une nature ou un pur fantasme de l’auteur. Cet art de filmer le groupe, autre spécialité dans laquelle Linklater est passé maître, s’appuie sur un casting composé d’inconnus, qui aide à ce qu’aucun ne vole jamais la vedette aux autres. Le regard à la fois ironique et tendrement mélancolique qu’il pose sur eux leur confère une aura étrange, à la fois mythique et totalement kitsch, qui donne envie de prolonger indéfiniment ce moment hors du temps qu’ils nous offrent en partage. LE MONDE • Par Isabelle Regnier • Le 17 avril 2016.
Ciné plus canal plus Richard Linklater Avec Will Brittain, Glen Powell, Zoey Deutch 2016 Sympathique comédie d’étudiants.
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