
2004
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Drame
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2h08
À partir de 3.99€
Résumé
Le récit d'un désir d'enfant qui entraîne un jeune couple, Pierre et Géraldine, au coeur d'un voyage initiatique au bout du monde, dans un pays martyrisé par l'Histoire : le Cambodge. Pour eux, commence une aventure éprouvante et formidable : ronde des orphelinats, confrontation avec les autorités françaises et cambodgiennes, menaces de trafics. Sans oublier la méfiance et la jalousie mais aussi l'entraide de la petite communauté des adoptants réunie par le hasard.A travers cette quête, le couple fait face à ses peurs, ses égoïsmes. Il se déchire, se rapproche et en sort à jamais transformé.
Drame • (2h08) • 2004 • Réalisé par Bertrand Tavernier • avec Isabelle Carré, Jacques Gamblin, Bruno Putzulu, Lara Guirao. Pierre Ceyssac, médecin dans le Cantal, va passer deux mois au Cambodge avec sa femme Géraldine. Ils ont récemment appris que Géraldine était stérile et ont donc décidé d'entamer des démarches pour une adoption. Sur place, une longue quête commence, faite de tracasseries et de désillusions... ⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️⬜️ Les enfants grouillent dans les films de Bertrand Tavernier. Une fillette, sur la lande bretonne, qu'un pédophile tente de séduire avec une poupée (Que la fête commence). Des bergers violés et assassinés par Bouvier le Terrible (Le Juge et l'Assassin). Des gamins noirs frigorifiés par une éclipse de soleil (Coup de torchon). Les élèves d'une école maternelle en région sous-développée (Ça commence aujourd'hui). Tant d'autres, enfants gâtés, autistes, gamins parqués dans les squares de la rénovation urbaine, enfants du divorce, déguenillés du Moyen Age, nourrissons abandonnés dans un dortoir sous le bombardement. Il semblait écrit qu'il s'attaque un jour au problème de l'adoption. REGARD COMPLICE Et, pourtant, c'est sa fille Tiffany (coscénariste avec son compagnon Dominique Sampiero), auteur d'un roman sur le milieu humanitaire de Calcutta qu'il aurait voulu adapter, qui l'a branché sur cet autre sujet : le douloureux parcours du combattant des parents qui cherchent à adopter en enfant à l'étranger. En l'occurrence, ici, le Cambodge, ses ruelles inondées par la mousson, ses moustiques, le souvenir des Khmers rouges, les gamines qui se font violer par les touristes, le Musée du génocide. Holy Lola (le film porte le nom de l'enfant arrachée aux poignants orphelinats) mêle trois sujets : la peinture d'un pays martyrisé par l'histoire, peuplé d'"anges et de fantômes cherchant Dieu au plafond", et miné par la corruption. Une comédie de mœurs à la saine misanthropie sur les Français qui se retrouvent là-bas au même hôtel, "Loft Story" pour pistonnés, radins, beaufs en survêt Adidas, favorisés à la compassion sadique, buveurs de Martini, mais aussi portraits de femmes en détresse, à l'image de cette émancipée qui claque la porte de cette collectivité factice et assume l'audace d'adopter un enfant atteint d'une hépatite B. Un regard complice sur un couple, enfin, dont l'harmonie est menacée par l'impossibilité de procréer ou d'adopter. C'est évidemment ce troisième volet qui fait décoller le film. D'abord grâce au charisme de deux comédiens, Isabelle Carré et Jacques Gamblin, que l'on sent surinvestis par le propos, et qui nous offrent, au moment où ils prennent réellement possession de leur fille, un moment d'émotion inouïe. La force de leurs personnages vient plus de la foi avec laquelle ils semblent découvrir le marasme social cambodgien, en payant de leur personne, sans recourir à une composition, que des séquences plus discutables (à la lisière de la sensiblerie) où ils parlent à leur enfant futur dans un dictaphone. Tavernier donne l'impression de cueillir à vif leurs réactions face à une réalité bouleversante. Ils se plient avec sincérité à ce rôle de passeurs de regards. UN NOUVEAU COUP DE GUEULE On retrouve la pudeur du metteur en scène dans sa façon de transformer le douloureux calvaire de l'adoptant en une aventure courtelinesque. Ronde des orphelinats, ballets des bureaucrates à l'affût de bakchichs, intermédiaires véreux pratiquant le trafic d'enfants volés, ritournelle des responsables absents, des jours fériés et des bureaux fermés "en raison d'une panne de ventilateur", abus de pouvoir des petits chefs, mascarade des paperasses à fournir, acte de naissance, lettre d'abandon de la procréatrice, lettre de motivation, deuxième copie certifiée conforme de l'acte de naissance avec tampon adéquat, lettre de la mission d'adoption internationale, visa : cette enquête très documentée sur une guerre d'usure ("Tout est en règle, sauf...") s'avère aussi burlesque qu'angoissante. En dépeignant, comme toujours, des personnages qui vont jusqu'au bout de leur "mission", Bertrand Tavernier ouvre un nouveau dossier sociopolitique, pousse un nouveau coup de gueule. Les scènes filmées caméra sur l'épaule transfusent ses sentiments. Elles sont au diapason de l'élan rythmique apporté par le compositeur Henri Texier, de la sincérité d'un cinéaste qui, d'un film à l'autre, se remet en question. Holy Lola est peut-être un film mineur dans la carrière de ce bouillant insurgé. Il y libère néanmoins, comme jamais, cette émotion qui est sa marque de fabrique. LE MONDE • Jean-Luc Douin • Le 23 novembre 2004.