Dans une ville profondément morne, où la joie semble avoir disparu depuis longtemps, le Magasin des suicides prospère. Tenue par la famille Tuvache, cette boutique propose tout le nécessaire pour que chacun puisse mettre fin à ses jours. Rien ne pourrait troubler la respectabilité macabre de cette entreprise… jusqu’à la naissance d’un enfant inattendu : Alan. Contrairement aux membres de sa famille, Alan est animé d’un optimisme débordant qui contamine petit à petit son entourage. Sa présence fait dérailler la mécanique parfaitement huilée du commerce, provoquant un glissement progressif du désespoir vers quelque chose qui ressemble à de l’espoir.
Lucrèce Tuvache, la mère : gérante méthodique du magasin, elle se veut l’incarnation du désespoir. Pourtant, le film peine à lui donner une véritable densité émotionnelle.
Mishima Tuvache, le père : stoïque et résigné, il participe à la vie du magasin avec un sérieux morbide, mais son évolution reste légère et peu fouillée.
Marilyn et Vincent, les aînés : adolescents maladroits, chacun dans leur rapport au corps et à la mort, mais leurs intentions et comportements oscillent parfois de manière incohérente, comme si le film ne savait pas tout à fait ce qu’il voulait dire à leur sujet.
Alan, le petit dernier : incarnation trop lisse de la joie pure, vecteur d’un optimisme constant presque caricatural. Il est le moteur du récit, mais son rôle manque lui aussi d’une vraie profondeur psychologique.
Le principal charme du film réside dans son atmosphère esthétique, richement travaillée. L'animation rappelle à la fois Les Triplettes de Belleville, Ma vie de Courgette, Mémoire d’un Escargot, mais aussi certains univers de Tim Burton — avec une patte graphique sombre, anguleuse, légèrement grotesque. Cette ambiance visuelle est sans doute l’un des plus beaux atouts du film : elle installe en quelques secondes un monde où la dépression est devenue la norme.
On note d’ailleurs un contraste visuel intéressant : dans la ville terne et plombée, le Magasin des Suicides apparaît comme une sorte de phare dans la nuit. Ses lumières attirent le regard, et l’intérieur, bien que rempli d’objets mortifères, est étonnamment coloré et chaleureux. Cette inversion esthétique — le morbide dans le lumineux — est l’une des idées les plus réussies du film.
Cependant, si l’esthétique est soignée, l’univers narratif, lui, manque de développement. L’idée d’une dystopie où tout le monde serait si triste qu’il souhaiterait mourir est fascinante. Pourtant, le film ne l’exploite que superficiellement :
on voit finalement très peu les habitants, très peu la ville, et presque tout se déroule dans le magasin. Cette limitation réduit considérablement la force du concept.
L’histoire elle-même effleure ses sujets sans les approfondir : la dépression, la résignation collective, le sens de la vie, tout cela reste en surface. Même les membres de la famille Tuvache — supposés incarner le désespoir ultime — ne paraissent en réalité pas si désespérés, notamment la mère, dont les expressions et attitudes semblent parfois en décalage avec l’ambiance supposée du récit.
Les chansons, quant à elles, n’apportent pas une vraie valeur ajoutée. Elles pourraient servir à enrichir l’univers ou à dévoiler les états internes des personnages, mais elles se contentent finalement d’accompagner l’action sans la nourrir.
Enfin, certaines incohérences dans les intentions et comportements des personnages brouillent la lecture émotionnelle du film : leurs motivations changent de manière trop brusque, ou semblent insuffisamment justifiées. On sent un récit qui veut aller vite vers une fable morale optimiste, mais qui n’en construit pas assez les étapes.
Le Magasin des Suicides est un film visuellement séduisant, porté par une direction artistique marquante et un concept original. Mais derrière cette belle façade, l’univers dystopique manque de profondeur et les personnages, pourtant prometteurs, restent trop superficiels pour porter un propos aussi sensible que celui du suicide ou du désespoir collectif.
La beauté graphique ne parvient pas à compenser une écriture qui effleure trop ses thématiques et peine à assumer pleinement son mélange d’humour noir, de drame et de comédie musicale.