
2025
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Drame
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1h41
Résumé
Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée ; mais, sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. Elle est déterminée à se protéger et à accéder à un avenir meilleur…
Manas” : plongée au cœur d’une communauté amazonienne ravagée par l’inceste Au Brésil, sur une île édénique, une ado dans le cauchemar de l’inceste. Le premier film de la réalisatrice Marianna Brennand recèle une grande force. De prime abord, la vie de Marcielle peut sembler paradisiaque. La jeune fille de treize ans partage son quotidien avec ses parents, ses frères et sa petite sœur sur l’île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne, au plus près de la nature et de l’eau. Elle est scolarisée, part en forêt pour cueillir des baies ou chasser, à l’abri du monde moderne. Mais un jour, le hamac sur lequel elle passe ses nuits se casse. Quand son père lui impose de dormir avec lui, le visage de sa très jeune mère, de nouveau enceinte, se crispe. Elle laisse faire, visiblement contrainte. Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci. La reproduction totale ou partielle d'un article, sans l'autorisation écrite préalable de Telerama, est strictement interdite. Pour plus d'informations, consultez nos Conditions Générales d'Utilisation. Pour toute demande d'autorisation, contactez droitsdauteur@telerama.fr. Toujours hors champ, l’inceste s’immisce partout, comme un serpent, à bas bruit, ravageant la communauté de ses morsures vénéneuses en silence, sacrifiant la vie et les rêves de gamines à peine sorties de l’enfance… Impossible ne pas s’interroger devant cette camarade de classe de Marcielle au ventre rond : est-elle, elle aussi, une victime ? À lire aussi : L’éducation à la vie sexuelle à l’école, une arme contre l’inceste Pour échapper à ce fléau, la prostitution sur les barges qui traversent le fleuve fait ainsi figure de cruel espoir. Comme sa sœur aînée, Marcielle espère être emmenée par un homme. L’éden illusoire du début se transforme alors en un cauchemar où l’eau dans laquelle les enfants batifolaient devient un piège marécageux et la forêt, une prison, un théâtre d’atrocités commises par des ogres. Mais les ogres n’existent pas. En cela, la scène de tension extrême juste avant le passage à l’acte du père est une prouesse. Il s’agit de ne rien montrer tout en disant tout, de mettre en scène la manipulation avant l’agression, de filmer le visage de la gamine défait par l’atrocité – interprétée avec force par la brillante Jamilli Correa, jeune actrice elle-même originaire de la région où se situe le récit. La réalisatrice brésilienne Marianna Brennand, autrice de documentaires, réalise avec Manas son premier film de fiction après un travail de recherches de plusieurs années sur le désastre bien réel des abus sexuels et l’exploitation d’enfants et d’adolescents dans cette région, l’une des plus pauvres du Brésil. Manas, plongée rigoureuse dans l’obscurité, est une lumineuse réussite. Marcielle (Tielle), treize ans, vit sur l'île de Marajó, au cœur de la forêt amazonienne avec ses parents, ses frères et sa petite sœur. Elle grandit avec des rêves d’émancipation, inspirée par le départ de sa sœur aînée. Mais sur les barges le long de la rivière, ses illusions commencent à s'effondrer, révélant un monde d'exploitation et d'abus qui gangrènent sa communauté. © Bodega Films. Premier long-métrage de fiction de Marianna Brennand Fortes, Manas dénonce ce qu'il ne filme pas : à l’image apparaissent la nature luxuriante, les lumières du Brésil, le chant des oiseaux, et en hors champs, les abus sexuels dont est victime l’adolescente. Philippe Azoury : "Ce film est une fiction documentée, à l’équilibre un peu flottant, tiraillé entre documentaire et fiction sans parfois réussir à mêler les deux. C'est le premier long-métrage de fiction d’une réalisatrice qui fait des documentaires depuis une vingtaine d’années. Elle voulait au départ faire un documentaire sur l’exploitation sexuelle des très jeunes filles dans la forêt amazonienne, mais elle s’est confrontée à du déni et du silence et a dû basculer sur une fiction. La première partie du film est très belle, ce sont des instants fragmentaires de la vie de cette fille de treize ans, avec des couleurs incroyables, puis le film se resserre sur un propos, la réalisatrice s’interroge sur la manière de représenter la violence et le traumatisme sans les transmettre. Il y a aussi un changement de régime d’image qui est troublant, les couleurs deviennent poisseuses, comme si la cinéaste était consciente du piège du beau et voulait nous en avertir." Raphaëlle Pireyre : "La fiction permet à ce film de raconter les abus sexuels sans être frontal, de montrer qu’ils sont omniprésents en les mentionnant très peu, grâce au hors-champ. Ça passe par le souffle, la présence des corps des hommes, des choses qui relèvent vraiment de la mise en scène. Le film danse en permanence entre l’enfermement du personnage et la percée de l’horizon. Ce qui m’a le plus frappée, c’est la découverte de cette actrice non-professionnelle, Jamilli Correa. Elle a une intensité dans sa présence et dans son jeu et occupe totalement le plan, même quand elle ne fait rien. C'est assez magnifique à voir advenir au cinéma. Ce qui est très fort aussi, c’est que son changement dans le film n’est pas univoque, elle devient adulte puis redevient enfant." Sur l’île de Marajo, en Amazonie, les agressions sexuelles se perpétuent de génération en génération. Un film tout en subtilité de Marianna Brennand. Toutes les petites filles savent qu’il faut refuser un bonbon d’un inconnu. Mais quelle petite fille se méfierait de son papa lui offrant une sucrerie ? Marcielle, dit Tielle, a 13 ans et des rêves d’ailleurs, surtout depuis que sa sœur Claudia a quitté la maison au bord de la rivière sur l’île de Marajo. Dans ce coin isolé en Amazonie, père et fils réparent le toit de paille pendant que mère et fille lavent le linge. Tous se déplacent en barque pour aller à l’école, à la chasse ou à l’épicerie. Le chant des oiseaux et le clapotis de l’eau laissent deviner une vie paisible, loin du brouhaha de Rio. En quelques images, la réalisatrice brésilienne Marianna Brennand pose son sujet et ses personnages. Il lui a pourtant fallu dix ans pour raconter cette histoire tirée d’une réalité qui n’a rien de tranquille. Elle a d’abord voulu en faire un documentaire. Mais les personnes concernées auraient refusé de témoigner ou d’être filmées. Car dans ce village de l’État du Para existe une violence domestique et sexuelle qui se déplace de génération en génération. Et c’est à travers Tielle qu’on la découvre. Traumatismes psychologiques La jeune fille ne sait pas grand-chose de la vie. Elle s’informe sur son anatomie après avoir dégrafé les pages interdites de son manuel scolaire. Pas sûre qu’elle sache comment s’est arrondi le ventre de sa mère pour la cinquième fois ou celui d’une de ses camarades de classe. Alors, quand son père lui propose de dormir avec lui parce que l’attache de son hamac a lâché, elle ne voit pas le mal, ni le mâle, pointer. Pas plus quand il l’emmène à la chasse plutôt que son frère. Au cœur de la forêt, loin de tout regard, l’interdit est transgressé. Marianna Brennand ne montre aucune scène d’abus sexuels d’un père sur sa fille alors qu’ils se répètent. À la place, elle s’attarde sur la tristesse d’un regard, une absence aux autres, insiste sur le traumatisme psychologique. Lequel se grave d’autant plus dans les corps que la parole n’est pas invitée à table. Les mères n’aident pas - « Il y a certaines choses que tu ne pourras pas changer » -, complices d’un système dont elles ont été victimes. Un son très travaillé Dans un environnement où les espaces flirtent avec l’immensité, l’histoire est filmée en cadrage tellement serré que c’en est parfois étouffant. Un procédé qui permet de suivre les personnages au plus près, de se sentir avec eux, de ressentir leur souffrance. La réalisatrice a aussi travaillé finement le son, nous donnant l’impression d’être dans l’eau, au milieu de la nature, voire de perdre nos repères quand Tielle, la tête immergée, vient d’être agressée. La jeune fille croit que le salut peut venir de ces barges où officient des marins à qui elle pense vendre des crevettes pour gagner trois sous. L’image respire alors sur un plan large, mais n’empêche pas le piège de se refermer sur Tielle, les marins souhaitant consommer bien autre chose que des crevettes. Dans cette contrée où le soleil brille inlassablement, #MeToo n’a pas encore fait d’étincelles. C’est pour briser un tabou que Marianna Brennand a tourné Manas, espérant que cesse l’impunité. Tout en montrant le long chemin à parcourir. « Ça va passer », dit l’épicière à Tielle. Effectivement, ça passera puisque Tielle a une petite sœur. Manas”, une vie sous emprise au cœur de l’Amazonie D’une gueule du loup à une autre Marcielle, surnommée Tielle, 13 ans, fait partie d’une famille nombreuse sur l’île de Marajó, au beau milieu de la forêt amazonienne. Alors qu’elle découvre à l’école le fonctionnement des organes de reproduction, elle voit dans le modèle de sa grande soeur, partie après une rencontre avec un homme, une issue vers une vie meilleure. Son père, qui l’emmène parfois en forêt et lui apprend à manier le fusil, lui interdit de se rendre sur la barge, un lieu où passent toutes sortes d’hommes, et où les filles sont exploitées… © Carolina Benevides, Fourni par la Biennale de Venise C’est une histoire d’emprise que nous propose le troublant film brésilien "Manas", produit à la fois par Walter Salles et par les frères Dardenne. Récompensé du prix de la meilleure réalisation aux Venice Days 2024, le film suggère rapidement les envies d’évasion que peut manifester son héroïne, le jeune Marcielle, 13 ans, essayant de se faire faire une pièce d’identité en prétendant avoir 19 ans, l’âge en réalité de sa sœur Claudia, partie du nid. Il faut dire qu’au milieu de moments de complicité de la fratrie, notamment une baignade avec la mère, filmée au raz de l’eau dans le tourbillon de jeux enfantins, la mise en scène, par une proximité appuyée et des respirations trop saccadées de la part du père, suggère des rapports incestueux dont elle serait victime. Un effet renforcé par cette injonction à ne pas s’approcher de la barge, pour ses filles, lieu où justement d’autres hommes sont présents, profitant de l'exploitation des femmes. Cette barge, lieu dans un premier temps mystérieux, avant que Marcielle et une camarade ne commencent à se maquiller et s’habiller sexy pour aller y vendre des crevettes, sera aussi paradoxalement l’extension du désir d’évasion de l’héroïne. Qu’il s’agisse de la curiosité pour le sud, pour ce froid qu’elle ne connaît pas, ou des promesses illusoires de vie meilleure, l’héroïne devra mesurer le prix à payer pour échapper à sa condition, initiant ainsi une rébellion adolescente aux enjeux bien plus profonds. Utilisant avec tact la suggestion, dans un environnement luxuriant qui pourrait être un paradis, "Manas" aborde la condition de la femme avec rudesse, mais aussi avec l’espoir d’un réveil salvateur. Coproduit par les frères Dardenne et le Brésilien Walter Salles (Je suis toujours là), le premier long métrage de fiction de la Brésilienne Marianna Brennand avait à l’origine été pensé comme un documentaire, lorsque la cinéaste a découvert l’étendue de la prédation sexuelle s’exerçant sur les jeunes filles du río Japura au Brésil. Comprenant rapidement qu’il serait difficile de faire parler ces gamines de la prostitution et des pratiques incestueuses dont elles étaient victimes, surtout face caméra, elle a imaginé le personnage de Tielle, 13 ans, vaillante petite héroïne de Manas, prise au piège entre un père qui l’attire dans son lit sitôt sa puberté atteinte et une mère l’encourageant à faire des passes sur les barges sillonnant la rivière. Le premier plan du film la dévoile au travers de l’encadrement d’une fenêtre, et les élégants mouvements de caméra la saisiront sans cesse encerclée par tout un tas de choses, étouffante forêt amazonienne, enchevêtrements de corps (parents, frère, sœur, camarades de classe…) et filmée au plus près, le film suspendu au moindre soupir qui la menacerait. Manas (le titre veut dire «sœurs» en argot portugais) s’emploie à montrer la logique de fait accompli et le bain de normalité contre-nature dans lequel évolue la gamine, dont on constate l’apprentissage interloqué de la dureté de l’existence au rythme de déconvenues et violences de plus en plus grandes, tous les autres personnages féminins ou presque lui intimant de laisser s’exercer le fatum local. La grâce des débuts du film cède peu à peu aux étapes fléchées, mais reste la délicatesse dont fait preuve Marianna Brennand pour s’emparer de son gros thème, et la subtilité du jeu des comédiennes principales, Fatima Macedo qui incarne la mère, et l’incandescente Jamilli Correa dans le rôle de Tielle – leurs échanges de regards sans paroles font merveille pour déployer l’ambiguïté de leurs liens. PLUS D'INFOS Titre Manas Genre Drame Réalisateur Mariana Brennand Fortes Sortie 2025 Durée 1h41 Scénaristes Mariana Brennand Fortes, Felipe Sholl, Antônia Pellegrino Pays Brésil SYNOPSIS Au coeur de la forêt amazonienne, une adolescente qui rêve d'émancipation voit ses espoirs s'effondrer face aux abus qui gangrènent sa communauté. CASTING Rômulo Braga Marcílio Paes Dira Aretha Clebia Sousa Dona Maria
Glaçant, et d’autant plus terrifiant que le scénario a été écrit à partir de vrais témoignages.