Mis hermanos”, de Claudia Huaiquimilla
En 2007, dans une prison du sud du Chili, des adolescents sont morts, victimes de l’incendie qu’ils avaient allumé et dont on n’avait peut-être pas voulu les sauver assez vite… En dénonçant la double peine infligée à une jeunesse condamnée à l’enfermement mais aussi au désespoir, cette fiction réaliste fait œuvre utile. Pudiques mais intenses, les personnages de jeunes prisonniers racontent la difficulté de s’accrocher à la vie dans un milieu carcéral uniquement punitif. On aurait voulu en savoir plus sur ceux qui sont aux commandes de ce système pénitentiaire violent. La réalisatrice préfère laisser l’instance de pouvoir en arrière-plan pour mieux faire corps avec ceux qui souffrent. Un beau parti pris, finalement.
Les frères Ángel (17 ans) et Franco (14 ans) sont incarcérés dans une prison pour mineurs depuis un an, en attendant le jugement de leur affaire. Malgré l'hostilité du lieu, ils nouent des liens avec d'autres jeunes et passent leurs journées à rêver de ce qu'ils feront lorsqu'ils seront libérés. L'arrivée de Jaime (17 ans), un jeune rebelle, change tout lorsqu'il propose de s'échapper par une émeute. L'idée commence à gagner des adeptes, mais bien que Franco veuille s'y joindre, Ángel sait que ce n'est pas sûr. Cependant, plusieurs déceptions familiales et judiciaires, en plus des bagarres, des cambriolages et des suicides, amèneront Angel à voir l'émeute comme sa seule issue. Inspiré de faits réels survenus dans le sud du Chili.
Mis hermanos, le deuxième film de la cinéaste chilienne d’origine mapuche Claudia Huaiquimilla, dénonce l’univers violent et répressif des centres de détention pour mineurs au Chili.
Second long-métrage de la cinéaste chilienne Claudia Huaiquimilla, Mis Hermanos raconte l’impact de l’enfermement dans un centre pour mineurs, isolé et situé au milieu des montagnes. Dans cette forteresse qui ressemble à un Alcatraz chilien se joue le destin incertain de deux jeunes frères qui se bercent d’illusions dans un univers qui éteint progressivement le moindre espoir d’avenir. C’est un film fort qui dénonce un véritable enfer.
Au Chili, une prison pour mineurs encerclée de montagnes. Angel et son jeune frère Franco purgent leur peine. Malgré cet environnement difficile, ils ont construit un groupe d’amis solide qui leur permet de rêver ensemble de liberté. Tout change avec l’arrivée de Jaim, un adolescent survolté qui va leur offrir la possibilité d’une réelle évasion, mais à quel prix ?
Inspiré de violences qui se sont déroulées dans des centres pour mineurs, Mis Hermanos déploie un puissant dispositif cinématographique pour raconter la vie à l’intérieur de hauts murs infranchissables, où la discipline est de rigueur.
Ce que narre ce film est le reflet de tout un système établi pour contenir une délinquance latente dans de véritables prisons, où la jeunesse perdue se trouve enfermée. Claudia Huaiquimilla choisit un décor montagnard, éloigné de toute urbanisation, pour mettre en place un récit poignant. La caméra montre ces paysages magnifiques, totalement en contraste avec ce qu’il se passe à l’intérieur de cet endroit pour jeunes en perte de repères. Mis Hermanos devient un huis-clos oppressant et réaliste qui décrit de manière saisissante tout un quotidien indicible et inimaginable, entre enfermement et cours dispensés par une enseignante censée les remettre sur le droit chemin. La cinéaste évoque en fait tout un univers carcéral, rythmé par les visites et les quelques instants de répit et de camaraderie. Toutefois, ces moments joyeux cachent une sombre réalité, avec une violence tapie dans l’ombre, prête à exploser face à la pression de l’emprisonnement. Sans véritablement filmer cette agressivité, la réalisatrice parvient à faire ressentir les impacts psychologiques subis par ces adolescents et dénonce par la même occasion l’existence de ces centres dénués de confort où les occupants sont tout simplement des prisonniers. Elle met en avant la dureté de ce lieu dominé par l’isolement où les rêves sont effacés par un pouvoir d’oppression, où les illusions deviennent des désillusions. C’est le miroir d’un pays chilien, ressemblant à celui d’autres territoires sud-américains, où règne une politique stricte.
Mis Hermanos dilue son message politique en développant l’histoire de ces deux jeunes hommes, pour ainsi donner une dimension plus humaine dans un sujet central inhumain.
La cinéaste insuffle efficacement les émotions, par le biais d’une mise en scène inspirée et d’un scénario particulièrement travaillé. Elle sonde parfaitement les esprits de ces personnages principaux, pour en faire sortir les croyances et les aspirations, cette envie d’évasion et d’un futur meilleur. Alors que la rébellion germe, Claudia Huaiquimilla en donne les causes, cette prison, mais aussi la structure familiale déséquilibrée dont souffrent les protagonistes, avec l’absence d’un important soutien maternel. Mis Hermanos contient une portée sociale, qui est sans doute la description d’une société chilienne sclérosée. Avec force et vigueur, le film crée de l’attachement pour des jeunes non attirés par la violence brute, mais considérés comme des survivants. La légèreté l’emporte souvent sur la masculinité, la direction d’acteurs apportant une touche féminine, avec un soin particulier sur les dialogues et les chansons qui traduisent les difficultés mentales. Surtout, Mis Hermanos raconte l’histoire de frères guerriers, plus percutantes que celles de Un Varon, où la virilité masculine est plus marquée. Les deux œuvres ont des trajectoires plus ou moins similaires, mais le film de Claudia Huaiquimilla comprend cette dimension humaine qui rend les personnages si accessibles.
Mis Hermanos (Mis hermanos sueñan despiertos dans son titre original) est un long-métrage inspiré de faits réels survenus au Chili. Un huis-clos âpre sur les conditions de détention juvénile réalisé par Claudia Huaiquimilla. Un film violent dont on ne ressort pas intact.
Tout commence par cette vue aérienne d’une vaste forêt chilienne. Le gazouillis des oiseaux enveloppe la nature d’un doux voile sonore, que vient parfaire le son mélodieux des instruments à cordes. Mais rapidement, cette liberté que procure cet espace infini se brise. Elle ne sera qu’une délicate illusion pour ces jeunes enfermés entre quatre murs gris. Alors qu’ils ne désirent qu’une seule chose – quitter ce lieu pour se perdre dans un rêve éveillé – la réalité âpre de leur environnement social les rattrape.
A quand la liberté ?
Ángel et Franco sont frères et veulent sortir de ce centre de détention pour mineurs où ils sont reclus depuis plus d’un an. Comme tout adolescent, ils s’imaginent leur vie future, un mélange de football et d’amour. Une liberté encore inaccessible, attendant un jugement qui n’arrive toujours pas. Alors pour tenir le coup, ils nouent des liens avec les autres jeunes du Bâtiment 5 (rien à voir avec le film de Ladj Ly).
La solidarité qui se dégage des relations entre les détenus est forte, plus qu’elle ne le sera sûrement jamais de l’autre côté du mur. Ensemble, ils résistent par la seule force de leur imaginaire, bravant les violences qui sévissent au quotidien. Avec l’aide d’une de leur professeur – interprétée par l’actrice Paulina Garcia (Ours d’argent de la meilleure actrice à la Berlinale de 2016 pour son rôle dans Gloria de Sebastian Lelio) – ils maintiennent le peu d’espoir qui leur reste.
On ira jusqu’au bout
“Au moins, il t’a toi”… Pour Jaime, l’amour qu’entretiennent Ángel et Franco restera à jamais inaccessible. Ces deux frères sont soudés par leur histoire, eux qui “n’ont toujours été que tous les deux”. Le film se construit autour de ce lien, de cet attachement entre deux êtres qui feraient tout pour sauver l’autre. Entre disputes et réconciliations, ils avancent côte à côte et on s’accroche à eux. Ils nous touchent dans leurs réactions et on soutient leur lutte, même si on se doute de la manière dont elle finira.
Alors que le film débute sur des séquences légères, où la joie de vivre imprègne le quotidien des personnages, la brutalité de cet environnement se dévoile peu à peu. Comme une descente aux enfers, on sent que l’échappatoire est toujours plus dur à atteindre. Même si l’entraide existe, même si l’amour naît, on ne peut éviter l’issue fatale.
Un film engagé
Sous ses airs de drame, Mis Hermanos tend à faire entendre une voix contre les injustices sociales au Chili. Ce long-métrage, inspiré de faits réels, traduit en images la dure réalité d’un milieu carcéral juvénile où un grand nombre de jeunes détenus meurent chaque année – souvent par suicide. Ces prisons pour mineurs sont de véritables lieux de mort, alors que tout laisse à penser que ces adolescents n’ont commis que des délits mineurs. L’espoir d’une vie meilleure, où ils pourraient repartir de zéro leur est ôté : ne reste alors que la violence et la révolte. Et on donne tout, quoi qu’il advienne.
Mis Hermanos de Claudia Huaiquimilla frappe par son réalisme et sa cruauté : on ne peut s’arracher au fonctionnement de la société.
