Résumé
Cet été, au festival d’Avignon, les deux acteurs se produisent sur scène. Ils sortent des coulisses et apparaissent métamorphosés. Pour le spectateur, impossible de deviner tout ce qui a précédé quand tout semble si naturel. En les suivant dans leur quotidien les semaines qui précèdent la première, Benoit Jacquot propose un regard inédit sur les deux comédiens et les montre comme on ne les a jamais vus.
Film documentaire • de Benoît Jacquot • 2022 • 1h16 Avignon, juillet 2021. Invités à se produire au cours de la 75ème édition du célèbre festival, Isabelle Huppert et Fabrice Luchini peaufinent leurs futures prestations. Face à la caméra, les deux grands comédiens dévoilent les méthodes dont ils usent pour apprendre leurs textes. Indispensables pour offrir des interprétations exemplaires, ces répétitions font partie d'un processus également destiné à se débarrasser d'un trac toujours présent malgré leurs fabuleuses carrières, longues de plusieurs décennies. Benoît Jacquot, le réalisateur, se plonge dans l'intimité de ces artistes perfectionnistes et passionnés par leur métier. ▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️ On admire le pluriel du titre. Apprendre un texte par cœur. Connaître quelqu’un par cœur. Ce documentaire conjugue les acceptions. Fort de sa complicité avec deux monstres sacrés des écrans et des planches, le cinéaste Benoit Jacquot a eu le loisir de les filmer en coulisses, chacun(e) préparant un spectacle. Isabelle Huppert s’apprête à créer La Cerisaie, de Tchekhov, dans la Cour d’honneur du Festival d’Avignon ; Fabrice Luchini répète ses lectures en public de Nietzsche, Baudelaire et Pascal. Dans ce diptyque où, une seule fois, le montage croise malicieusement leurs expériences, elle se livre d’abord. À rebours de sa réputation de reine du contrôle, Isabelle Huppert s’adapte à l’intrusion d’une caméra dans sa voiture ou dans sa loge, se montre sans aucun apprêt, ou somnolente. Elle laisse capter sa grande difficulté à mémoriser un passage précis de son rôle — « Le malheur est tellement invraisemblable que j’en viens même à ne plus savoir que penser ». Et ce bizarre trou de mémoire, invitant les spectateurs aux interprétations, devient un fil rouge du film, jusqu’aux premières représentations. La disponibilité de Fabrice Luchini se niche ailleurs, dans sa façon de décortiquer son travail, les moindres intonations comprises. Le comédien ouvre en grand le capot de sa virtuosité, en dénude les rouages. En même temps, il se met au service des auteurs lus au point de chercher à tout moment la meilleure porte d’entrée dans leur œuvre, pour le plus grand nombre. Chez Nietzsche, si préoccupé de l’origine charnelle des idées, il s’attarde avec délice sur cette phrase : « On a nécessairement la philosophie de sa personne, à supposer qu’on en soit une. » Luchini exulte, Huppert doute. L’un ressemble à son image, l’autre moins. Les deux sortent grandis de ce dévoilement consenti. TÉLÉRAMA • Par Louis Guichard • Publié le 27 décembre 2022.
Luchini et Huppert au travail