« Deux anciennes maisons réputées d’égale dignité, dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène, sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles où le sang des citoyens souille les mains des citoyens. Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies à pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux, dont la ruine néfaste et lamentable, doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.
Les terribles péripéties de leur fatal amour et les effets de la rage obstinée de ces familles, que peut seule apaiser la mort de leurs enfants, vont en deux heures être exposés sur notre scène. »
Que les amoureux profitent de leur lune de miel tout en restant sur leur gardes : tous les bisous dans l’eau ne se valent pas. Pour Jean-Édouard et Loana, le dénouement fut plutôt heureux dans la piscine du Loft. Par contre, le pauvre Jack Dawson a payé pour sa générosité en finissant au fond de l’Atlantique
« C’est une Capulet ? »
Génie artistique ou navet ? J’opterai plutôt pour génie artistique. Roméo et Juliette, œuvre souvent mal comprise, a été confinée au rayon des mièvreries alors qu’elle est tout sauf une romance à l’eau de rose. Loin d’être une histoire d’amour, c’est une exploration de la passion, et comme toute passion, elle est d’une violence inouïe. La pièce déborde de rage et de sang, et cette intensité est magnifiquement capturée dans l’adaptation de Baz Luhrmann. En utilisant l’iconographie catholique sud-américaine, Luhrmann symbolise la violence bouillonnante tout en préservant l’élégance shakespearienne. Je vous dit, il y a du génie artistique dans ce film, et le plus grand a été de garder le texte du 16e siècle.
Même si il emmène la pièce dans l’ère moderne, Luhrmann parvient à en faire une adaptation plus que fidèle. Surtout que les deux acteurs principaux portent parfaitement le film. Leonardo DiCaprio poursuit son ascension qui doit l’emmener au sommet de l’Olympe dès l’année suivante avec Titanic. Il est accompagné de Claire Danes, qui certes n’a pas son talent, mais arrive parfaitement à jouer l’adolescente enivré par l’Amour.
« La peste soit sur vos deux familles »
Roméo + Juliette, c’est l’épée plus forte que l’amour. Les coups de foudre, par définition, ne se commandent pas. À Notting Hill ou ailleurs. Ils se produisent comme ça. Parfois, jusqu’à ce que mort s’en suive. Quand l’Amour nous tombe dessus ainsi, que faire ?
On peut évidemment se poser des questions philosophiques comme le fait Juliette:
« Roméo, ô Romeo, pourquoi es tu Romeo ? »
Si Roméo n’était pas qui il était, cela ne poserait sans doute pas autant de problème. Et en même temps il ne serait plus qui il est, donc Juliette n’aurait pas pu en tomber amoureuse. Encore que, quand elle l’a rencontré, elle ne savait rien de lui.
Ce qui semble prouver qu’il ne s’agit que d’une misérable histoire de prénom. Dans ce cas précis, si Roméo s’était appelé Philippe, cela aurait peut-être réglé tous les problèmes. Bizarrement. Juliette n’est pas tout à fait précise puisque le problème de Roméo n’est pas son prénom, mais plutôt son nom de famille.
En tout cas, on peut passer des heures à se demander pourquoi les choses sont ce qu’elles sont, on tourne en rond à se regarder derrière l’aquarium. On peut essayer de lutter contre le sort pour faire vivre cet amour incroyable. Roméo et Juliette doivent trouver des chemins de traverse pour se marier. Et lorsqu’ils sont officiellement mariés, ils sont encore obligés de se cacher pour se voir – comme des lycéens tenteraient de se cacher de leurs parents respectifs.
Cette stratégie est épuisante car elle implique une lutte quotidienne avec tous les membres de la famille d’en face et parfois même de sa propre famille qui crient à la trahison. Roméo a beau clamer qu’il n’est pas ce que les Capulet croient, cela ne sert à rien. Les Capulet l’ont catalogué. C’est fini.
On peut donc se poser des milliers de questions ou se battre comme un forcené, rien n’y fait. On est prisonnier de l’amour et victime de sa violence. Car la violence reste plus fort que l’amour, quoi qu’il arrive.
Toutes les inepties qu’on a pu lire sur l’amour entre les peuples qui apporterait la paix : n’importe quoi! Le fiasco entre Roméo et Juliette suffit à prouver le contraire. La haine de l’autre l’emportera toujours. L’amour n’est pas plus fort que la jalousie. Il n’empêche pas non plus le suicide.
L’amour est peut-être enfant de bohème qui n’a jamais connu de loi, il ne fait pas de miracle pour autant. Cupidon n’est pas Superman. N’attendons pas de lui qu’il empêche la troisième Guerre Mondiale
