Arnaud Desplechin • 2025 • 1h28 • France • Louis Birman, Dominique Païni, Clément Hervieu-Léger, Françoise Lebrun, Sandra Laugier, Flavie Dachy, Lucie Borleteau.
Au début des années 1970, Paul Dédalus, âgé à l'époque de 6 ans, se rend pour la première fois dans une salle de cinéma en compagnie de sa grand-mère et de sa soeur. Pour le petit garçon, c'est une véritable révélation : il tombe immédiatement amoureux du septième art. Durant des années, Paul enchaîne des dizaines de films, allant jusqu'à visionner trois fois les oeuvres qu'il apprécie. A 14 ans, il ment sur son âge pour pouvoir voir un drame d'Ingmar Bergman. Au lycée, il fonde un ciné-club. A l'aube de la vingtaine, il est devenu un véritable cinéphile. Le jeune homme ambitionne alors de passer derrière la caméra...
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En attendant sa prochaine fiction, qu’on découvrira au printemps, le réalisateur de frère et soeur (2022) fait un pas de côté pour se mettre au service de son grand sujet : le cinéma. Son histoire, sa magie, sa beauté, sa profondeur, son importance dans l’existence, c’est tout cela, et plus encore, que met en lumière ce film généreux, à la fois documentaire, essai, exercice d’admiration et reconstitution autobiographique de l’histoire d’un spectateur.
Le point d’exclamation du titre ne s’oublie à aucun moment, car le ton choisi est celui d’un enthousiasme direct, irrépressible. La première chose dont nous parle Desplechin, c’est justement ce mouvement du cinéma que rien n’arrête et que tout a appelé, avant même sa naissance ! Dans les peintures des nabis, groupe formé en 1888, un esthète cinéphile, Dominique Païni, vient pointer des ombres, des tremblements, toute une vie qui va jaillir en 1895 avec l’image animée des frères Lumière. Le septième art est une nécessité : un message élevé au rang de profession de foi pour structurer ce film, qui jongle librement avec toutes sortes d’idées.
S’exprimant toujours à la première personne dans le commentaire en voix off, Desplechin devient encore plus personnel lorsqu’il met en scène ses propres souvenirs à travers le personnage de Paul Dédalus, son double à l’écran depuis longtemps. Sa première fois au cinéma, son premier film de Bergman sur grand écran, son adolescence, mêlant rendez-vous cinéphiles et amoureux : très réussies, ces scènes à la fois modestes et essentielles sont traversées par une émotion qui confine au sacré. Le ton se fait même solennel pour évoquer Shoah (1985), documentaire de Lanzmann que Desplechin découvrit à 24 ans et qui, dit-il, changea radicalement sa vie, car il faisait de chaque spectateur un témoin. Voir un film, c’est aussi recevoir une responsabilité. Portée par un désir de transmission à la jeune génération, cette réflexion a le charme d’une conversation avec un ami : au fil d’une magnifique collection d’extraits, elle invite les spectateurs d’aujourd’hui à comprendre tout ce que le cinéma peut pour eux quand ils vont jusqu’à lui. Dans les salles, bien sûr.
TÉLÉRAMA • Par Frédéric STRAUSS • Publié le 14 janvier 2025.