
2023
•
Thriller
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1h57
Résumé
Gabriel Laurens, cinquante ans, est « agent de recherche privé ». Lorsque sa nièce Jade, 15 -16 ans, surgit dans sa vie pour lui demander d’enquêter sur la mort de son père, le détective voit rejaillir des souvenirs qu’il pensait enfouis pour toujours. Confronté aux fantômes de son passé, Gabriel Laurens va se trouver aux prises d’une étrange enquête mêlant, faux-semblants, fantasmes et trafic de stupéfiants.
“L’Autre Laurens” : le patriarcat, cible d’un road trip loufoque Une Lolita éplorée débarque chez son oncle, détective privé en Belgique, pour enquêter sur la mort de son père. Un polar pas comme les autres, tendre et déjanté. On évoque souvent le « mélange des genres », moins le mélange des gens. Le réalisateur Claude Schmitz offre les deux. Non content d’entrecroiser polar, comédie loufoque et drame familial, ce franc-tireur excentrique (Braquer Poitiers, Lucie perd son cheval) réunit ici des énergumènes d’horizons éloignés. À savoir un détective belge désabusé et fauché, une bande de vieux bikers des Pyrénées-Orientales, un ex-marine devenu pilote d’hélicoptère, une femme fatale américaine à la tête d’une vaste propriété près de Perpignan… Au départ, une Lolita éplorée, Jade, débarque chez son oncle (Olivier Rabourdin), le privé sus-mentionné. Elle soupçonne que son père, récemment mort dans un accident de voiture, a été assassiné. Elle demande à son oncle d’enquêter. Celui-ci rechigne d’autant plus qu’il ne portait guère dans son cœur ce frère jumeau disparu. Malgré tout, il ramène sa nièce chez elle, tout près de l’Espagne. Un film truffé de faux-semblants Là-bas, il loge dans un château à la décoration clinquante et découvre qu’il y a quelque chose de pourri dans ce mini-royaume frontalier. L’auteur s’amuse avec les codes du film noir et ses archétypes fatigués, qu’il ranime sous l’effet d’une alchimie ironique et tendre. Hybride, truffé de faux-semblants, le film tient à la fois du roman-photo détourné, du collage absurde et du road trip. Où l’Amérique, la France et l’Espagne, les riches et les pauvres, les acteurs professionnels et non professionnels (apparition surprise du musicien Rodolphe Burger, qui compose un flic aussi fantasque que crapoteux) se télescopent, provoquant de grisantes étincelles. L’apparente désinvolture du récit repose sur une intrigue bien ficelée, qui cache une critique en règle du patriarcat. Et, au-delà, une allégorie bien vue sur le mensonge des pères, leur caractère double ou fuyant. Dans ce monde peuplé de morts en sursis, il existe heureusement un salut possible, une promesse de vie et d’espoir, incarné par la jeune et jolie Jade (Louise Leroy). Celle qui déjoue les préjugés, envoie tout valdinguer et trace son chemin seule. Sortie 2023 Genre Thriller Durée 1h57 SYNOPSIS Sollicité par sa nièce, un détective privé regrette rapidement d'avoir accepté d'enquêter sur la mort de son frère jumeau, et père de cette dernière. CASTING Dierckx Sylvia La femme Francis Soetens Francis Rodolphe Burger Alain Olivier Rabourdin Gabriel Laurens / François Laurens Un film truffé de faux-semblants Où l'Amérique, la France et l'Espagne, les riches et les pauvres, les acteurs professionnels et non professionnels (apparition surprise du musicien Rodolphe Burger, qui compose un flic aussi fantasque que crapoteux) se télescopent, provoquant de grisantes étincelles. Critique : L’autre Laurens par Aurore Engelen 23/05/2023 - CANNES 2023 : Claude Schmitz s’empare des armes du film noir pour régler leur compte aux héros testostéronés de sa jeunesse, et revisiter le genre, dans tous les sens du terme Trouble dans le genre. Un paysage désert, au coeur d’une nuit bleue. Un cactus, une Américaine, deux hommes de main qui dialoguent en espagnol, évoquant un fantôme, éclairés par le néon d’une boîte de nuit alors que s’éloigne le bruit des bécanes. On ne sait plus vraiment si l’on est à la frontière espagnole ou mexicaine. Peut-être un peu des deux, dans nos imaginaires. A ce prologue qui brouille les pistes succède un tout autre motif. Retour à un certain réalisme avec la présentation de Gabriel Laurens (Olivier Rabourdin, juste parfait), privé un peu paumé, abonné aux filatures pépères pour adultère. Il fait gris, à Bruxelles et dans sa vie quand débarque Jade (stupéfiante Louise Leroy), sa nièce tombée du ciel, venue lui demander son aide pour élucider le mystère de la mort de son père, le frère jumeau de Gabriel. C’est L’autre Laurens [+], le nouveau film du réalisateur belge Claude Schmitz, sélectionné à la Quinzaine des Cinéastes du Festival de Cannes. Pas complètement enchanté de sortir de sa zone de confort, Gabriel emboite pourtant le pas de Jade, la raccompagnant chez elle, à la frontière espagnole, découvrant ainsi le monde étrange de son frère, où claquent les dissonances et surgissent les déjà-vu. Toute ressemblance avec des personnages ou des situations existants est loin d’être purement fortuite. Les figures traditionnelles du polar, voire de la série B défilent au garde-à-vous : le détective abimé par l’existence, son jumeau maléfique, la lolita, la femme fatale, les flics, les motards, et même le US Marine de passage. Sauf que tous et toutes ont un petit truc en plus ou en moins, un truc qui diffère sensiblement, la lolita ne s’en laisse pas compter, les motards ont un accent, les flics sont bedonnants. La partition bien huilée de l’enquête prend scène apprend scène un tour particulier, au fil des notes bleues et des discordances. Comme de la friture sur la ligne, ou des parasites sur l’écran qui viennent questionner un récit bien rôdé, celui des hommes forts et du patriarcat. L’exercice de style autour des codes du film noir est abordé avec une vraie jubilation doublée d’un réel savoir-faire, déterritorialisant le genre, essaimant les faux-semblants, et trouvant tout son sens dans les décalages et les embardées qui dévient une trajectoire toute tracée. Claude Schmitz sature le récit d’archétypes, d’attributs virils aussi, flingues, motos, un hélicoptère même, comme pour les épuiser, les user jusqu’à la corde pour en faire ressortir la vanité, la vacuité aussi. Faire ressortir en creux la façon dont ces récits, qui ont construit depuis des décennies les masculinités, sont arrivés en bout de course, essoufflés et vidés de leur sens. Le tout avec humour et goût du jeu, servi par une image accrocheuse, et une bande originale ludique, qui trouve son point d’orgue avec la partition de Rodolphe Burger. L’autre Laurens figure ainsi une sorte de chant du cygne aux antipodes de la nostalgie, dernier adieu à des mythes fondateurs déconstruits. Il multiplie les pistes de lecture et d’interprétation, et détourne le personnage de la jeune fille en détresse, de la Baby Doll rock-n-roll pour l’investir des pleins pouvoirs, lui conférer l’autorité sur les récits à venir. L’autre Laurens est produit par Wrong Men (Belgique) et Chevaldeuxtrois (France). Les ventes internationales sont assurées par Best Friend Forever.