« Il ne se passe rien. La magie c’est pour quand ? »
Disney a 100 ans, et ça se voit. Le studio qui a bâti l’imaginaire collectif de plusieurs générations porte désormais son âge avec peine : « perte de vitesse dans l’industrie, douleur chronique au box-office, fragilité osseuse et risque de fracture élevé, sans parler de ses problèmes d’équilibre et de sa myopie qui l’empêche de voir au loin. »
Pourtant, pour son centenaire, le doyen de l’animation a voulu prouver qu’il avait encore toute sa mémoire. Wish – Asha et la bonne étoile se présente ainsi plus comme un hommage XXL au patrimoine Disney, - convoquant références et clins d’œil à foison, de Blanche-Neige à La Reine des Neiges, en passant par Bambi, Peter Pan, la Belle au Bois Dormant, Mary Poppins, Cendrillon etc.- qu’à une véritable histoire originale
Dès l’ouverture, le film annonce la couleur : un livre de compte conte, un « il était une fois », une voix off, un château majestueux, une héroïne au grand cœur qui parle aux animaux étoiles, un méchant sorcier, et des animaux mignons. Tous les ingrédients des vieux classiques sont réunis. Malheureusement, ce n’est pas toujours dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe.
L’histoire se déroule à Rosas, royaume gouverné par un roi mégalomane qui s’est approprié les vœux de ses sujets, les enfermant pour mieux contrôler leur destinée. Quand Asha découvre que son grand-père centenaire n’a jamais vu son souhait réalisé -inspirer les générations futures (clin d’œil appuyé)-, elle décide de le récupérer. L’arrivée de Star, une petite étoile tombée du ciel, réveille alors les forces de la magie mais aussi de la nostalgie.
Sur le papier, l’idée avait du potentiel : un souverain qui confisque les souhaits, voilà un concept poétique et intrigant, mais surtout glaçant. En effet, chaque habitant confie au roi son vœu que ce dernier enferme dans sa salle de souhait. Une fois « aspiré », l’habitant oublie complètement son vœu. Il perd la mémoire de son désir le plus cher et vit sans cette ambition. Seul Magnifico a le pouvoir de consulter les vœux et, de temps en temps, il en exauce un, mais uniquement s’il estime qu’il est « approprié » ou qu’il sert son image de monarque bienveillant. Concrètement, cela fait de lui le gardien absolu des désirs du peuple, qui devient totalement dépendant de lui.
Mais une fois qu'on est dans le concret, le film n’en fait rien. Les habitants, censés être amputés de leurs désirs, continuent à vivre joyeusement comme si de rien. De plus, cela pose plus de questions qu'autre chose : peut-on faire de nouveaux vœux ? Que se passe-t-il si deux personnes en formulent un identique ? Et si l’on réalise son vœu par accident ? Le film esquisse un gag autour de ces incohérences, mais cela ne fait que souligner à quel point son monde est mal pensé. Quant à la morale finale – accomplir ses rêves soi-même – elle paraît tellement évidente qu’elle en devient plate.
Pourtant, l’idée était très intéressante. Un souverain qui retire littéralement aux gens leur désir le plus intime et le plus cher, c’est une métaphore très puissante : il les prive de leur identité, de leur moteur intérieur, et donc de leur liberté. Cela pose aussi une question universelle : vaut-il mieux confier son destin à une autorité toute-puissante qui promet de nous protéger, ou garder la liberté mais aussi le risque de poursuivre nos propres rêves ?
Sinon, même en allant chercher dans son propre univers, Wish ressemble moins à un hommage qu’à une compilation de clichés en pilote automatique. Asha a tout d’une cousine éloignée d’Anna, sans jamais en retrouver le charme. Le roi Magnifico, présenté comme le grand méchant, manque cruellement d’envergure et reste bien fade comparé à l’impressionnante galerie de méchant que Disney nous a jadis offerte. Les habitants de Rosas, quant à eux, se contentent d’attendre qu’on leur rende leurs vœux – passifs au possible. Même les « sept compagnons » d’Asha, grossière réécriture des Sept Nains, n’ont aucune personnalité marquante, l’épaisseur d’une feuille et ne finissent que par alourdir le récit. Et la chèvre parlante, comique de service, finit par incarner le comble du dispensable.
Visuellement, le film étonne par son manque d’ampleur. Là où La Reine des Neiges 2 proposait des envolées de mise en scène d’une beauté saisissante, Wish s’enlise dans une platitude désarmante : compositions banales, transitions paresseuses, absence de véritable profondeur de champ. Les textures semblent même ne pas être terminées. Plus précisément, en train de finir de cuire.
Et que dire des chansons ? Alors que Disney s’est bâti sur des morceaux devenus intemporels, Wish enchaîne les numéros musicaux mal placés, inutiles et tristement oubliables. Même pour les amateurs des chansons Disney, difficile d’y trouver son compte, ou alors il ne faut vraiment pas avoir de goût.
Enfin, si Disney tente de s’associer au grand père, c’est plutôt du côté du roi Magnifico qu’il faut chercher la comparaison. Un tyran qui confisque les désirs de ses sujets, les enferme et ne les libère que quand cela l’arrange. Un symbole troublant de ce qu’est devenu Disney : une machine qui recycle les rêves de son public pour maintenir son propre pouvoir. A se demander si la direction lit les scénarios avant de valider ?
Au final, Wish n’est rien d’autre qu’une version Wish de Disney. Que Disney fasse un vœu : celui de l’inspiration.