comédie romantique • créée par Clémence-Madeleine Perdrillat • France • 2023 • 6 x 30 mn environ • avec Théo Navarro-Mussy, Camélia Jordana.
Il y a des scènes dont le tremblement désamorce toute posture et fait vibrer autrement notre réalité. Dans le dernier épisode d’Irrésistible, un homme fond en larmes. Séquence inattendue qui ébranle le cadre coquet de la comédie romantique et nous attrape à revers, saisis par l’émotion qui submerge Arthur (Théo Navarro-Mussy, bouleversant d’abandon). Celui-ci éclate en sanglots à l’évocation d’un chapitre de son passé, le deuil périnatal auquel il a été confronté avec son ex-compagne. Tout, ici, est inédit dans le paysage des séries françaises : les pleurs irrépressibles d’un homme (pas la larmichette contenue et le menton viril qui tremblote), comme la cause de ce débordement – toute affliction liée à la parentalité, à la grossesse étant d’ordinaire réservée, à l’écran, aux mères.
Arthur est un mathématicien convaincu de pouvoir poser les relations amoureuses en équations, fussent-elles à triple inconnue. Quand il croise la route d’Adèle (Camélia Jordana), autrice d’un podcast et d’un livre à succès sur sa propre rupture, leur sujet commun a tôt fait de les dépasser… Mais Adèle, hantée par le traumatisme de la séparation et la présence-absence de son ex, enchaîne les crises d’angoisse au contact d’Arthur qui lui plaît un peu trop – du palpitant qui bat la chamade à la tachycardie handicapante, il n’y a qu’un battement de cœur.
En amour, les forces de l’inconscient ont (plus que) leur mot à dire, et Clémence Madeleine-Perdrillat, la créatrice de la série, est bien placée pour le savoir, elle qui a dirigé l’écriture de la saison 2 d’En thérapie. En jouant, en connaissance de cause, des codes de la comédie romantique, et malgré la brièveté de six petits épisodes un peu contraints qui empêchent l’originalité de la proposition de prendre toute son ampleur, elle renouvelle l’imagerie figée du coup de foudre en évoquant la part de projection, l’irréversible passé/passif de chacun, la friabilité des cœurs qui ont vécu. En somme, toute l’importance des histoires… avant l’histoire.
Surtout, elle fait exister, d’un geste politique délibéré, un héros à part entière, ni ténébreux mystérieux ni séducteur histrionique, qui ne se définit pas par rapport aux clichés du masculin. Mais témoigne, sans démonstration excessive, qu’il est bien fait de cette matière, complexe et fragile, du genre… humain. Avec ce visage d’homme brouillé par les larmes, Irrésistible s’empare de la comédie romantique pour affirmer, sous la bluette, le pouvoir de transformation de l’émotion — du latin movere, « mettre en mouvement » –, sa capacité à faire bouger l’imaginaire collectif.
TÉLÉRAMA • Par Marjolaine Jarry • Publié le 20 septembre 2023.
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