Summary
A quatorze ans, Turtle Alveston arpente les bois de la côte nord de la Californie avec un fusil et un couteau pour seuls compagnons. Mais si le monde extérieur s'ouvre à elle dans toute son immensité, son univers familial est étroit et menaçant : Turtle a grandi seule, sous l'emprise d'un père charismatique et abusif. Jusqu'au jour où elle rencontre Jacob, un lycéen blagueur qu'elle intrigue et fascine à la fois. Poussée par cette amitié naissante, Turtle décide alors d'échapper à son père et plonge dans une aventure sans retour où elle mettra en jeu sa liberté et sa survie.
Bon alors c’est un roman qui ma plus, il est sublime, tourbillonnant, l’écriture est sensible et très belle, et je pense que tout celleux qui encensent ce bouquin partent de là. Le “suspense” aussi est maîtrisé d’une main de maître, ainsi que le déroulement de l’histoire. Mais grands dieux quelle histoire. Frissonnante, dégoûtante, envoûtante, et si désagréable à lire. Et pourtant nécessaire parce qu’ il est si dur de comprendre et d’exprimer l’ambivalence de l’amour et de la haine dans une contexte incestueux. Certaines descriptions (notamment des paysages) trainaient un peu en longueur, y’avait tellement de détails que j’arrivais plus à imaginer les décors. Par contre chaque description de gestes d’horreur et de violence étaient parfaitement calibrées. J’ai BEAUCOUP aimé les dialogues entre Turtle, Brett et Jacob, c’était hlarant. Le personnage de Cayenne aussi, tellement nécessaire. Et evidemment Turtle, ce déchirement qui l’habite tout au long du livre est atroce. Mais semble si vrai. “— Jacob, tu crois que c'est une ninja? — Je suis pas une ninja, dit-elle. — C'est une ninja, hein, Jacob? — Je suis pas une ninja, rétorque-t-elle. — Hmmm... (Brett murmure et marmonne.) Hmmmm... si, un peu quand même, un peu une ninja, en fait. — Non. — Elle est où, ton école de ninja? demande Brett. — Je suis pas allée dans une école de ninja. — Elle a fait vœu de silence, remarque Jacob. — Ou peut-être, avance Brett, peut-être que les animaux de la forêt lui ont tout enseigné. — Je suis pas une ninja! hurle-t-elle. Ainsi réprimandés, les garçons restent muets un long moment. Puis, comme si ses protestations avaient fini par apporter l'ultime preuve de leur théorie pourtant vague, Brett dit: — C'est une ninja.” “— Elle a débarqué de nulle part, commence Jacob. — Elle était là, dans l'obscurité, sans lampe, sans sac, sans chaussures, rien, elle s'en sortait très bien, comme si elle voyait dans le noir. — Dans la pluie battante, dans l'obscurité totale. — Tu devrais voir ses pieds. Ses cals, c'est un truc de fou. — Elle marche partout pieds nus. — Elle ne ressent pas le froid — Ni la douleur. — Rien que la justice. — On pense que c'est peut-être une ninja. — Elle nie. — Mais bon, évidemment elle est obligée de nier. — Si elle nous avait dit qu'elle était ninja, on aurait su que c'était faux. — Je ne dirais pas que la théorie du ninja est définitive mais c'est une vraie éventualité. — Bref, elle nous a guidés hors de la vallée des ombres. — Elle voit dans le noir. — Elle marche sur l'eau. — Elle avance à son propre rythme. Elle s'arrête, elle regarde, elle reste là à observer des trucs et toi, t'es là "Qu'est-ce que tu regardes?" Mais elle, elle continue à observer et toi, t'es genre "Euh, ça va, tu t'ennuies pas trop?" Mais ça, c'est parce qu'elle est maître zen. — Elle est très patiente. — Son débit de paroles n'est pas ce qu'on pourrait qualifier d'habituel. — Euh, je suis là, hein, dit Turtle. — Elle est songeuse, mais il y a quelque chose d'autre, quelque chose de plus étrange que ça. — C'est pas tant songeuse qu'observatrice. — Ouais. Ouais! Observatrice. Tu lui poses une question et genre, elle t'observe simplement et, toi t'es là, genre "euuuuh?" Et si t'attends assez longtemps, elle finit par te répondre. — Elle sait faire les nœuds, elle sait s'orienter dans la forêt. — Les animaux lui parlent et lui confient leurs secrets.” « Turtle y trempe son chiffon et elle pense, Et si Anna avait raison et que j'aie peur d'échouer? Elle pense, Est-ce étrange qu'Anna m'ait dit la même chose que Martin? Que j'ai peur d'échouer et que pour cette raison, j'ai trop peur d'essayer? Est-ce étrange qu'ils aient vu la même chose en moi, mon hésitation, ce doute envers moi-même qui me paralyse? Elle pense, Tu es vouée à commettre des erreurs, et si tu n'es pas prête à en commettre, tu seras à jamais retenue en otage au commencement des choses, il faut que tu arrêtes d'avoir peur, Turtle. Tu dois t'entraîner à être rapide et réfléchie, ou un jour, l'hésitation te foutra en l'air. » « Il lui disait: "Quand une petite puce connait le nom d'une chose, elle pense tout savoir à son sujet et elle ne regarde plus. Mais un nom ne veut rien dire, et affirmer que tu connais le nom de quelque chose revient à avouer que tu ne sais rien, moins que rien." Il aimait dire: "Ne pense jamais que le nom est la chose, car il n'y a que la chose qui existe, les noms ne sont que des pièges, des pièges pour t'aider à t'en souvenir." Elle repense à eux deux, Turtle qui courait sans cesse, s'arrêtait et revenait sur ses pas, tandis que Papy peinait dans l'herbe et sur le terrain accidenté. Seulement après qu'elle lui avait décrit avec ses propres mots où poussait la plante et comment elle était, lui expliquait-il de quoi il s'agissait, la dépiautant entre ses doigts. "Ça, ma puce, c'est l'épillet, et ça, les glumes, tu voix comme elles sont longues? Ça, c'est la barbe. Tu vois comme elle tourne dans la partie inférieure, et comme le haut est incliné? Continue à observer avec autant d'attention. Continue comme ça, à observer comme si tu ne connaissais rien, à observer pour comprendre de quoi il s'agit vraiment. C'est ça qui permet à une petite puce d'être calme et silencieuse pendant qu'elle marche dans l'herbe. Observe les choses pour comprendre ce qu'elles recèlent, ma puce, toujours, toujours." Mais il se trompait au sujet des noms. Ou du moins se trompait-il à moitié. Les noms voulaient dire quelque chose. Ça voulait dire quelque chose quand il la surnommait ma puce. Ça voulait tout dire pour elle. » « — Hmm, dit Brett. Hmm... T'es vraiment sûr? — Brett veut s'enfuir et devenir pirate. — Mec! Tu le dis pas comme il faut. — Comment ça, je le dis pas comme il faut? — Ça a l'air débile quand tu le dis comme ça. — D'accord. Alors comment on est censé le dire? — Pas comme ça! Là, ça fait gamin. Turtle va me prendre pour un gamin. — Comment il faut dire, alors? — Je veux m'enfuir et devenir pirate! — C'est vrai. Ça fait vachement moins gamin. — Qu'est-ce que t'en penses, Turtle? — Non, dit-elle. — Z'êtes durs, les potes. Vraiment durs. — Je me plais ici, dit Turtle. — Jacob, parle-lui du truc, là — Non, toi, vas-y. — Quel truc? demande Turtle. — Raconte-lui, s'il te plaît, Jacob. — Quel truc? demande-t-elle encore. — Dans l'océan Pacifique, explique Jacob, il y a une vaste ile de déchets flottants, aussi grande que le Texas. Un vortex de bouteilles en plastique, de protections en polystyrène, de sachets de cacahuètes, de sacs en plastique qui s'amoncellent sur les coques de bateaux à moitié coulés. Brett veut aller là-bas et devenir pirate. — Tu le dis pas comme il faut. — Brett veut aller là-bas et devenir pirate! — Allez, avoue que ça a l'air génial. — Ça n'a pas l'air génial, réplique Turtle. Elle ne conçoit pas qu'on puisse avoir envie de quitter Mendocino. Elle n'a jamais compris les touristes, non plus. Elle ne voit pas l'intérêt. — Mais... continue Jacob. — Attention, ça vient, dit Brett. — Bâtir une nation, dit Jacob. C’est plutôt attrayant. Non? — Non, dit Turtle. Pas du tout. — Fonder une glorieuse république, poursuit Jacob. — Hmm, fais Turtle, dubitative. C'est sûrement difficile. — Se réapproprier les débris et les détritus d'une civilisation en déclin, et construire une Utopie à partir de ses cendres. — Mes parents étaient utopistes, dit Brett. Et maintenant, ils sont divorcés, et ma mère est fatiguée en permanence. Elle dit qu'elle est à bout. Elle dit: "Brett, mon chéri, je suis à bout." Elle a mal aux mains. Elle est masseuse. Mais elle a de l'arthrose. Je te le dis, moi, c'est pas la solution. Pirates. Ça, c'est la solution. — On pourrait élever des vers de farine, dit Jacob qui semble commencer à adopter l'idée. Dans ces déserts de polystyrène. Ils peuvent se nourrir exclusivement de plas-tique. Je nous vois bien: éleveurs de vers de farine le jour, et on se lirait Platon à voix haute le soir sous les constellations d'un ciel étranger, au rythme des grincements puissants d'un continent de bouteilles en plastique poussé par le courant et des délicats chuchotements des sacs de supermarché voletant sur les dunes de plastique. — Je crois que vous vous faites des idées sur cette ile de déchets, ça doit pas être si intéressant en réalité, dit Turtle. — Si tu étais vraiment perchée sur plusieurs kilomètres de vers de farine, je parie que tu les entendrais la nuit. En train de mâcher. Et de mâcher. — On pourrait élever des poissons dans des immenses filets, si on tissait les sacs en plastique. — Je nous vois bien, une tribu sauvage et indomptable déco-pirates agitant leurs épées, aussi incroyablement beaux que visionnaires, franchissant les étendues de vers de farine, chevauchant nos iguanes de guerre géants. — Des iguanes de guerre? — Oui, des iguanes de guerre. Evidemment. — Quand t'y penses, il doit déjà y avoir des iguanes là-bas, qui vivent dans ces Galápagos post-modernes et arides, chaque nouvelle génération arborant des couleurs de sacs en plastique plus éclatantes que la précédente. — Mec. — Et en utilisant la rhizofiltration, on pourrait récupérer l'énergie des déchets nucléaires dans l'océan et la conserver dans des tétraèdres géants en verre laminé qui réchaufferaient lentement l'eau autour de notre ile, et on pourrait élever plus de poissons. — Imagine ces lagons fertiles chauffés à l'uranium, riches de homards et de varech élevés et cultivés par nos soins, où nageraient des bancs de saumons, ses profondeurs illuminées par l'éclat vert de mystérieuses pyramides suspendues à d'immenses ancres crissantes, tandis que sur ses berges plastifiées lézarderaient nos nobles, voire impétueux étalons reptiliens. Le vent soulève des mèches de sa queue-de-cheval qui lui fouettent le visage. Elles se collent à ses lèvres gercées. Turtle les écarte et les glisse derrière son oreille. S'il existe réellement une ile de déchets grande comme le Texas, alors ce doit être un endroit merdique, sans rien à récupérer. Mais inutile de le leur dire. Ils retournent dans Main Street en débattant pour savoir si oui ou non il serait possible de chevaucher un iguane s'il était suffisamment grand, et s'il serait convenable de brandir un trident, et si les tétraèdres géants en verre laminé remplis de déchets nucléaires ne risqueraient pas de bouleverser les courants marins à l'échelle mondiale et de causer un épisode d'extinction massif. Ils entrent dans Lipinski's Juice Joint et quand Turtle voit les prix affichés sur le tableau noir, elle fait craquer ses articulations. Jacob sort son portefeuille, déplie des billets et déclare: — C'est bon, Turtle. Et Brett ajoute: — Le film inspiré de notre histoire pourrait s'appeler “Pour une poignée de vers de farine”. Et Jacob dit: — Hé, Dean, on va bâtir notre propre république, ça t'intéresse? Et le barman barbu à large carrure répond: — Y aura des touristes? Et Brett dit: — Non. Et le barman dit: — Et y aura de l'herbe? Et Brett dit: — On sera des pirates, donc notre psychotrope principal, ce sera évidemment le rhum, mais oui. Et Jacob dit: — On va faire pousser des champignons de mer hallucinogènes dans l'eau peu profonde des lagons réchauffée par des déchets nucléaires, et tu pourras les lécher pour triper. Et Dean lâche: — Alors, vous voulez quoi? Et Turtle ne commande toujours rien, alors Jacob dit: — Elle va prendre les falafels. Enfin, je crois. Le capitalisme l'a rendue muette. Et Dean fait: — C'est à cause de ces foutus touristes. Ça a toujours été mauvais, évidemment, mais ils ont encore parlé de nous dans le New York Times. J'ai lu qu'à Mendocino, avec cent dollars tu peux t'acheter que pour quatre-vingt-deux dollars de trucs. Et Brett rétorque: — Ça n'a juste aucun sens. Par définition, avec cent dollars tu achètes pour cent dollars. Et Dean fait: — C'est ces foutus touristes. Et Brett lâche: — D'accord, Dean, je comprends que tu n'aimes pas les touristes, mais on ne peut pas les accuser de provoquer des maux qui sont, par définition, improbables. » « — J'ai raconté toute l'histoire à Brett au téléphone. Il était dégoûté! Il était là, genre, "Mais je rate toujours les bons moments!" Je lui ai raconté comment on a été emportés par le courant, et quel effet ça faisait de faire l'amour violemment avec un troupeau de rhinocéros orgiaque dans une piscine remplie de verre brisé, et comment tu as réussi à démarrer un feu rien qu'en scrutant méchamment le fond d'une canette en aluminium jusqu'à ce que le miroir parabolique amplifie ton immense force de caractère, qu'il la transforme en une étincelle de pure rage turtlesque qui aurait pu embraser n'importe quoi, même le cœur des lycéens sans méfiance. — Et qu'est-ce qu'il a répondu? — Il a été obligé d'admettre que c'était possible. — Je préférerais que tu évites de mentir. - Et puis j'ai raconté comment tu as attendu l'obscurité la plus totale de la deuxième nuit, juste avant l'aube, et alors que la lune frôlait l'horizon, tu as écarté les bras et tu as ordonné à l'océan de s'ouvrir, et les flots se sont écartés aussi vite et aussi largement que les cuisses de sa mère, et on a arpenté le fond de l'océan tandis que les monstres marins se prélassaient dans les flaques et t'appelaient de leurs chants de sirène, et comment tu avais envie de descendre les rejoindre dans la pénombre, mais que je t'avais prise par la main pour t'entraîner avec moi. J'ai l'impression qu'il ne m'a pas cru. »
Bouleversant de violence
Je ne sais pas quoi en penser. Descriptions riches, bien écrites qui résonnent étrangement avec l'horreur du récit et les grossièretés de langage des personnages principaux. Je n'ai pas vraiment aimé la narration, la façon dont les pensées des personnages sont incérées dans le texte. Le texte est écrit à la 3eme personne mais les pensées sont écrites à la première personne, j'ai trouvé ça perturbant et j'ai mis du temps à entrer dans l'histoire à cause de ça et des gros mots presque à chaque page. Pourtant, le livre décrit très bien le lien entre un enfant battu et son parent maltraitant. L'amour, la validation qu'on recherche malgré tout dans ce parent, les raisons qu'on se donne pour expliquer les actes. Et ce désir de vivre malgré tout, trouver sa place, se construire mais comment, à quel prix. Mais pour ma part, c'est tout. Je n'ai pas ressenti ce que j'avais pu lire dans les avis des autres et je suis un peu déçue de cet achat.
Livre très puissant mais le fond est alourdit par la forme un peu trop détaillée notamment sur les armes à feu.
J ai eu du mal à rentrer dans cet univers d armes . Trop de descriptions des fusils , des couteaux . J ai accroché au bout de 250 pages et je n ai pas aimé la fin
Horrible