Summary
The club as a place of endless (im)possibilities. A man and a woman wait here together for 25 years for a mysterious, all-changing event to occur. From 1979 to 2004: from disco to techno. A love story and an obsession.
Ciné plus canal plus Patric Chiha Acteurs principaux Anaïs Demoustier Tom Mercier Béatrice Dalle 2023
Pendant 25 ans, dans une immense boîte de nuit, un homme et une femme guettent ensemble un événement mystérieux. De 1979 à 2004, l'histoire du disco à la techno, l'histoire d'un amour, l'histoire d'une obsession. La chose finalement se manifestera, mais sous une forme autrement plus tragique que prévu.
Patric Chiha (2023)
mouais....
La bête dans la jungle Berlinale 2023 : “La Bête dans la jungle”, la fête jusqu’au bout de la vie Avec son long métrage adapté d’une nouvelle de Henry James et présenté dans la section parallèle Panorama, le singulier et talentueux Patric Chiha a offert au festival de Berlin une expérience radicale de cinéma envoûtante et poétique. Dans un buzz berlinois de faible amplitude, c’est le film qui s’est démarqué et a fait du bruit. Il faut dire que La Bête dans la jungle est une proposition de cinéma doublement excitante. Face A, une adaptation d’une longue nouvelle de Henry James, archi culte et à l’argument éternellement fascinant : un homme, John, entraîne une femme, May, dans l’attente d’un événement qui changera tout pour lui, sans comprendre que cette grande chose qui doit lui arriver est déjà en train de se passer et de passer… Face B, un film quasi intégralement tourné dans une boîte de nuit où le couple de Henry James fait la fête, de la fin des années 1970 au début des années 2000. Et voilà un slogan tout trouvé pour la bande-annonce : « Join the Party. » Mais l’affaire est plus étrange. D’abord, pas de tubes sur les platines. Sans doute une mesure économique, car les hits coûtent très cher quand ils résonnent sur grand écran. Mais cette Bête dans la jungle n’est, de toute façon, pas un show de DJ : aux commandes, le natif d’Autriche Patric Chiha se réaffirme en cinéaste passionné et à part, après Domaine (2009) et Boys Like Us (2014). Le continuum boum boum disco puis techno qu’il a choisi comme bande-son est un pari artistique très cohérent : la musique, ici, a l’effet d’un envoûtement, une perfusion qui passe dans les corps et fait basculer les personnages hors du monde. Au lieu de donner des repères, elle aide à les perdre. Les années défilent mais, pour John et May, toujours dans l’attente de ce qui doit arriver, le temps s’arrête. Sur le dancefloor, l’allégresse vire à la détresse, les années sida arrivent et font le vide. Tout change et pourtant rien ne change, dans la magie noire de ce mouvement immobile, le réalisateur s’empare brillamment du pouvoir de l’écrivain Henry James. La Bête dans la jungle est un film encore plus littéraire que dansant, c’est un geste de cinéma dont la poésie radicale rappelle un écrivain que passionnait l’inventivité de la caméra : Jean Cocteau. Les night-clubbers John et May sont des enfants terribles qui jouent à cache-cache avec le destin. Ils ont les visages, soudain extraordinaires, de Tom Mercier, l’acteur israélien de Synonymes, totalement lunaire, et d’Anaïs Demoustier, qui fascine en s’abandonnant à une langoureuse descente dans les enfers du fantomatique… À l’entrée de la boîte, les attend Béatrice Dalle, muse de Patric Chiha, statue de chair régnant sur tous les mystères, comme Maria Casarès dans Orphée, que Cocteau réalisa il y a plus de soixante-dix ans. Retrouver dans un film français cette pure élégance de l’imaginaire est un bonheur. Qui n’a heureusement rien de nostalgique, car La Bête dans la jungle, lâchée dans les salles l’été prochain, est bien un film d’aujourd’hui, propulsé par l’envie de retrouver les corps mêlés, en sueur, sans distanciation, et tendu vers un espoir d’étreinte que rien n’éteint. Cette longue nouvelle de Henry James, publiée en 1903, a fasciné Marguerite Duras, qui la porta au théâtre, comme François Truffaut, qui s’en inspira pour La Chambre verte : La Bête dans la jungle est devenue, au fil du temps, une œuvre culte, à nulle autre pareille. En la reprenant aujourd’hui, le réalisateur franco-autrichien de l’étrange Domaine (2009) signe un film qui a justement tout pour devenir culte, une originalité excentrique, une beauté singulière, un climat envoûtant. On y retrouve les personnages imaginés par Henry James, John et May, un couple qui ne vit que d’amitié fusionnelle et d’attente. Quelque chose va se passer et ce quelque chose de bien énigmatique aura le pouvoir de tout changer, a dit John… À ses côtés, May devient, comme lui, une chasseresse à l’affût dans la jungle de la vie, d’où surgira un jour l’événement annoncé et inconnu, la bête. Pour rendre palpable l’obsession immuable des deux guetteurs, pris dans le piège du temps qui ne cesse malgré tout de passer, Patrick Chiha les a enfermés dans une boîte de nuit où défilent vingt-cinq années disco puis techno, de 1979 à 2004. Sur le dancefloor, la griserie lance un tourbillon d’espoirs, tout est possible, puis l’allégresse vire à la détresse, les années sida arrivent et font le vide, mais John et May sont toujours là et n’en finissent pas d’attendre la grande révélation… Tout change et pourtant rien ne change : dans la magie noire de ce mouvement immobile, le pouvoir de l’écrivain Henry James est transposé avec force. Sous la modernité radicale de cette adaptation s’impose un film superbement littéraire. Interprétés par Tom Mercier, totalement lunaire, et Anaïs Demoustier, langoureusement abandonnée à un vertige fantomatique, John et May sont des enfants terribles qui jouent à cache-cache avec le destin. Le souvenir de Jean Cocteau est aussi ravivé par le personnage de Béatrice Dalle, gardienne du night-club qui règne sur tous les mystères, comme Maria Casarès dans Orphée. La poésie surnaturelle de cette Bête dans la jungle invite à une expérience de cinéma qui a tout d’un sortilège.