Summary
An overworked and underpaid production assistant to film a workplace safety video commissioned by a multinational company. But an interviewees makes a statement which forced him to re-invent his story to suit the company's narrative.
Film de Radu Jude · 2 h 43 min · 27 septembre 2023 (France) Genres : Comédie, Drame Pays d'origine : Roumanie, Luxembourg, France, Croatie Fiche technique Angela, assistante de production, parcourt la ville de Bucarest pour le casting d’une publicité sur la sécurité au travail commandée par une multinationale. Cette « Alice au pays des merveilles de l'Est » rencontre dans son épuisante journée : des grands entrepreneurs et de vrais harceleurs, des riches et des pauvres, des gens avec de graves handicaps et des partenaires de sexe, son avatar digital et une autre Angela sorti d'un vieux film oublié, des occidentaux, un chat, et même l'horloge du Chapelier Fou..
Très original mais beaucoup trop de longueurs
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Après Bad Luck Banging or Loony Porn, qui imaginait les démêlés d’une prof de collège dont une vidéo porno domestique avait fuité sur Internet, N’attendez pas trop de la fin du monde, Prix spécial du jury à Locarno, perpétuant ce goût comique des titres à rallonge, se dresse de nouveau contre la société néolibérale en voie terminale de dérégulation. Bucarest, capitale âpre et brutaliste, stigmate à ciel ouvert d’une Roumanie postcommuniste propulsée au pas de course dans l’économie de marché, en est le parfait avant-poste. LA SUITE APRÈS CETTE PUBLICITÉ D’une durée inhabituelle pour le cinéaste (cent soixante-trois minutes : un record), ce nouveau film de forme accidentée, fourmillant de récits et d’interludes, tourne autour du travail, de l’acception dégradée qu’on en a aujourd’hui. Pour cela, il s’attache au personnage d’Angela, une assistante de production lancée dans des courses en voiture interminables dans tout Bucarest. Sa mission du jour est de recueillir les témoignages d’invalides ayant subi de graves accidents du travail, en vue d’un spot de prévention commandité par une multinationale autrichienne. Or, dans la ville connue pour ses embouteillages monstres, chaque course devient parcours du combattant, dans le vacarme des klaxons, des insultes échangées, des hymnes martiaux crachés par l’autoradio, et l’air vicié des gaz d’échappement (« composé à 100 % de pets », cauchemarde la conductrice). Les horaires d’Angela s’allongent à perte de vue, le sommeil gagne, sans compter les courses subsidiaires qui s’ajoutent au programme : conduire sa mère au cimetière, retrouver un amant pour une étreinte furtive sur la banquette arrière, puis repartir au turbin. Double avatar Cette héroïne, pimpante blonde en robe à paillettes jurant au volant comme un charretier, vaillante recrue de la corvéabilité ubérisée, jouée avec une verve incroyable par la jeune actrice Ilinca Manolache, vaut avant tout parce qu’elle s’inscrit dans le nœud gordien des contradictions contemporaines. La voilà, en effet, œuvrant à produire une image positive du travail en entreprise, alors qu’elle-même est exploitée jusqu’à la moelle, jetée sans ménagement dans la centrifugeuse urbaine. De même, on approche les grands accidentés du travail pour mieux les mettre en concurrence les uns avec les autres : un seul sera retenu pour tourner le spot et toucher le providentiel cachet. Le Monde Ateliers Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Découvrir La schizophrénie monte d’un cran avec l’avatar que se crée Angela sur les réseaux sociaux, se filmant avec son téléphone, un filtre numérique apposé sur le visage : une caricature de macho mal embouché qui l’autorise à proférer les pires outrages – seule soupape de son quotidien sous pression. Or, ce double ultravulgaire n’est autre que le prurit symbolique du haut degré de violence émanant de la ville, ce dédale saturé de véhicules, de publicités agressives, de devantures criardes, de décharges sauvages. La traverser revient à déambuler dans une forêt de symptômes. Tout paradoxe scinde la réalité en deux. Il n’en fallait pas plus pour faire de N’attendez pas trop de la fin du monde un film de montage, maniant coupes et contrastes, jonglant avec les formats (noir et blanc/couleur, film/vidéo). Son régime est celui de l’hétérogène. Ainsi Radu Jude n’hésite-t-il pas à entrecouper les trajets de son héroïne avec des extraits d’un ancien film, Angela merge mai departe (1981), de Lucian Bratu, fiction de l’ère communiste sur une femme taxi, sillonnant elle aussi les rues de Bucarest. D’une époque à l’autre, du réalisme d’Etat à la satire à boulets rouges alternent des visages de la ville qui exposent ses mutilations (le quartier Uranus englouti dans le chantier du Palais du peuple de Ceausescu) et ses angles morts. Théâtre de l’échec et du reniement Le cinéaste ralentit l’image du film des années 1980 pour en révéler les fragments : les files d’attente à l’entrée des magasins rappelant le rationnement des denrées, des déshérités prenant le tramway, une centrale nucléaire pointant son nez à l’horizon… Autant de détails documentaires qui exposent l’inconscient de la fiction. Jude nous rappelle ainsi qu’une image est une empreinte, qu’elle comporte un double fond et capte toujours un surplus de réalité imprévue. L’image constitue bien l’objet de réflexion de N’attendez pas trop de la fin du monde, qui s’achève sur un plan fixe, retraçant le tournage du fameux spot de prévention, à la façon d’un petit théâtre de l’échec et du reniement. Le cinéaste établit ainsi un lien stimulant entre l’état d’une société et celui des images qu’elle produit : quand celles-ci ne sont plus que des biens de consommation jetables, perdant leur capacité à témoigner d’une réalité quelconque, elles participent à leur échelle à la transformation générale de l’espace public en une grande poubelle. Jouant l’examen par le montage, misant sur le choc comparatif des images, Radu Jude s’affirme ainsi comme l’un des rares disciples crédibles d’un Jean-Luc Godard.
“N’attendez pas trop de la fin du monde” : une satire de notre époque complètement folle Films dans le film, ruptures, plan-séquence homérique… Cette critique de nos sociétés phagocytées par les réseaux sociaux et les écrans, signée Radu Jude, impressionne. You can share an article by clicking on the share icons at the top right of it. The total or partial reproduction of an article, without the prior written authorization of Telerama, is strictly forbidden. For more information, see our Terms and Conditions. For all authorization requests, contact droitsdauteur@telerama.fr.TikTok, grande maladie de l’époque ? Nous souffrons en tout cas d’une épidémie d’images numériques aussi brèves que trafiquées, semble décréter le cinéaste roumain Radu Jude. Avant de reproduire, consciencieux, cette déstructuration. Dans ce nouveau film alambiqué du réalisateur du très dadaïste Bad Luck Banging or Loony Porn, Ours d’or de la Berlinale 2021, les aphorismes godardiens pullulent — parfois fins, parfois moins — et les séquences s’enchaînent selon un montage morcelé, un jeu avec la matière des images. On découvre Angela (Ilinca Manolache, dantesque) dans un noir et blanc granuleux. La caméra suit la jeune femme depuis le siège passager de sa voiture, à la manière d’une téléréalité comme les Reines de la route — où des camionneuses courent frénétiquement après le temps. Elle parcourt le pays à la recherche d’accidentés qui pourraient incarner la vidéo de prévention au travail d’une multinationale. Son œuvre est cynique, désenchantée et même par moments caricaturale : il s’agit de déterminer si tel ou tel blessé « conviendra » pour un témoignage rémunéré. Un plan-séquence de trois quarts d’heure Entre deux courbettes téléphoniques à ses employeurs, le parcours d’Angela est mis en parallèle avec celui d’une conductrice de taxi du même nom dans un film de Lucian Bratu (Angela va plus loin, 1981). Quarante ans d’écart et une dictature en moins, aucun progrès dans le pays : même abnégation, même violence sourde. Les images de ce film dans le film semblent dévorer les autres. Ce n’est pas le seul télescopage : l’héroïne elle-même dispose de la faculté d’interrompre le long métrage, en produisant ses propres séquences parasites. Angela sort son téléphone, active un filtre TikTok et devient Bobitză, sorte de marionnette chauve et masculiniste capable de débiter à la chaîne les pires horreurs sur les femmes. Tout est chaos, et soudain, silence, on est face à un montage documentaire d’images de croix au bord de la route, imposante et assumée cheville vers une deuxième partie. Un monstrueux plan-séquence de près de trois quarts d’heure, pour revisiter le premier mouvement. Un ouvrier paraplégique y raconte son calvaire mais son récit ne convient pas à la production… Ce film dans le film (encore un !) en plan fixe est celui choisi par l’équipe de tournage du spot promotionnel. Alors que la mise en scène est abandonnée à ses croque-morts, la farce atteint alors de tels sommets que Radu Jude n’a plus besoin d’asséner quoi que ce soit.
C’est bon mais c’est looooooooooooooong 🤯