Bambi, 5e long métrage des studios Disney, est un film de pure contemplation, un tableau de mouvement, à la fois beau et dur. Chaque scène pourrait être un tableau qu’on admire dans un musée. Que ce soit la naissance de Bambi avec tous les animaux venus l’accueillir, ses premiers pas ou encore la mort de sa mère.
Le film a nécessité cinq ans de travail acharné, témoignant de la minutie du travail accompli. Walt Disney, en quête de perfection, l’a atteinte avec brio. Le passage des saisons incarne à lui seul le génie du Maître. La forêt, aérée et froide en hiver, dense et chaude en été, captive l’attention du spectateur par son visuel envoûtant et bluffant. Certains artistes ont poussé leur sens de la perfection jusqu’à visiter les forêts du Maine à différentes saisons, s’imprégnant de leurs détails et ambiances. L’une des plus belles séquences du film est sans aucun doute son ouverture : le premier plan, composé de neuf couches de multiplanes, saisissant le spectateur en lui offrant un magnifique travelling de la forêt.
Chaque séquence n’omet jamais de transmettre un message, un symbole, et l'initiation à la vie du petit faon, ce qui donnent de fait une saveur unique au film.
Autre point extrêmement travaillé, la scène de la mort de Bambi, dans laquelle l’image de l’homme en prend un coup puisqu’il est montré comme un prédateur sans réelle motivation si ce n'est celle d’abattre des animaux par cruauté. Cette scène est magnifiquement dur. Chaque plan ayant été minutieusement étudié. La mère de Bambi disparaissant petit à petit du cadre offrant une vraie leçon de découpage. Surtout que cette scène ne contient aucun mot. D’ailleurs, le film entier en contient peu -800 environ-. Disney a plutôt voulu laisser parler les images plutôt que les mots, afin de de faire naître l’émotion.
La scène de la mort de la mère de Bambi commence par un plan large, puis la caméra zoome progressivement. Une musique angoissante et de plus en plus forte accompagne la scène, suggérant un danger imminent. La mère de Bambi perçoit un bruit que même le spectateur n’entend pas. Un gros plan sur son visage révèle son inquiétude. Elle prévient son fils, et on les voit tous les deux dans le même plan. Puis, toujours dans ce même plan, Bambi quitte le cadre, suivi de près par sa mère.
Dans le deuxième plan fixe, Bambi est déjà dans le cadre, courant. Sa mère entre dans le cadre, et les deux sont ensemble, mais à distance. Bambi quitte le cadre. Alors que la mère traverse le cours d’eau, on entend le premier coup de feu. Elle est au centre du cadre, et la caméra la suit. Elle parvient tout de même à quitter le cadre.
Le plan fixe suivant montre Bambi, puis sa mère. Ils partagent le cadre pendant un très court instant, avant que l’écart entre eux ne s’agrandisse.
Le plan suivant est en mouvement, et cette fois-ci, Bambi court. Le montage nous fait comprendre que sa mère est trop lente, car Bambi parvient même à quitter le plan en mouvement, tandis que sa mère ne le peut pas.
Suit un plan à nouveau fixe, et ils ne le partageront pas. Bambi passe en premier, puis sa mère. Sa mère disparaît même symboliquement avec la neige qu’elle soulève.
Enfin, un coup de feu retentit, la musique s’arrête, et sa mère ne rentrera jamais dans le cadre. Ainsi, on montre la mort sans la montrer. C’est même une des morts les plus marquantes chez Disney. Parfois, ne pas montrer a plus d’impact que montrer.
Plus généralement , Bambi est un hymne. Il est un hymne à la fois à la nature, qui doit être préservée, mais aussi, et surtout à la vie. À la vie, parce que ce film n'a aucun autre scénario que les expériences d'un nouveau-né dans un monde qu'il apprend à découvrir. Les autres habitants de la forêt, les saisons, les amis, la petite copine, l'adulte qu'il deviendra, parler, marcher, sauter, l'amour... puis le danger, la faim, la peur et la tragédie sont autant d'expériences que le jeune faon fait, sous nos yeux.
Bambi, c’est donc est la base. Lorsque tout s’accélère, il devient difficile de garder ses points de repère. Les choses semblent si complexes qu’on ne trouve aucune réponse à l’accumulation de problèmes qui nous assaillent. On en oublie la base. Et la base, c’est Bambi.
Au final, la vie est en réalité assez simple. Il faut d’abord sortir du ventre de sa mère, ce qui est moins évident qu’on ne le pense. Après quoi, il faut se mettre debout. Il faut se faire des amis, puis vient le moment de la puberté où l’on doit vaincre sa timidité pour trouver son ou sa partenaire. Le reste vient naturellement, sans trop se prendre la tête.
Un jour, il faut gérer la disparition d’un proche. La vie n’est pas qu’une partie de rigolade. Bambi perd sa mère, sans comprendre ce qui s’est passé. C’est un coup dur. Mais la vie continue. Pas le temps de s’apitoyer sur son sort ou de regretter quoi que ce soit. La vie n’attend pas. Les chasseurs non plus. Il faut se mettre à l’abri de leurs balles ou des incendies de forêt qu’ils déclenchent. Puis vient le temps de prendre ses responsabilités, et de s’affirmer. La forêt n’est pas la jungle. Pour autant, elle ne fait pas beaucoup plus de cadeaux. Alors Bambi rentre dans le tas quand c’est nécessaire. Il va devoir trouver un boulot pour faire vivre sa famille car Féline vient de lui faire deux jumeaux
À présent, il peut dominer son environnement comme son père avant lui et tant que les chasseurs continueront à picoler comme des trous, et que personne ne construira de route au milieu des bois, Bambi devra surtout surveiller ses arrières – en attendant son tour.
Car il faudra qu’il laisse la place lui aussi.
Une chose après l’autre. C’est dans l’ordre des choses.
