« -Mais quel genre d'inspection vous faites ?
- Je fait une inspection du coeur, monsieur. »
Après les animaux (Zootopie), les émotions (Vice-Versa) ou encore les âmes (Soul), Pixar s’attaque désormais aux éléments. Avec Élémentaire, le studio propose une nouvelle allégorie du monde contemporain, transposée dans une grande ville où cohabitent Feu, Eau, Terre et Air. Comme d’habitude, on retrouve un duo de personnages littéralement opposés qui finissent par s’accepter et démontrent symboliquement qu’il faut de tout pour faire un monde.
Si l’idée de départ est séduisante, l’univers manque d’originalité. On retrouve en effet une approche très proche de celle de Zootopie, où chaque communauté a ses codes, ses quartiers et ses tensions. Même si le film n’en montre pas autant qu’il devrait. De plus, le film se concentre presque exclusivement sur les personnages liés au feu et à l’eau, laissant les Terriens et les Aériens en arrière-plan. Ils enrichissent la toile de fond, mais sans jamais avoir un véritable rôle narratif.
En revanche, Pixar prouve une nouvelle fois sa maîtrise technique. Les animateurs réussissent à donner une vie fascinante aux éléments, qui se déforment, s’évaporent ou s’écoulent selon leur nature. Cette inventivité culmine notamment dans la scène de poursuite, où le studio s’amuse pleinement avec toutes les possibilités physiques de ses personnages.
Élémentaire marque aussi une première : c’est la toute première comédie romantique du studio. Bien sûr, Pixar a déjà mis en scène des histoires d’amour (Woody et la Bergère, Wall-E et Eve), mais jamais comme fil conducteur. Ici, la romance entre Flam (le feu) et Flack (l’eau) est au centre du récit.
Le résultat est mignon mais inégal. La relation est souvent plus belle par la prouesse technique que par l’émotion qu’elle dégage. De plus, Flam peut agacer : elle passe son temps à repousser Flack, de manière sèche, et c’est uniquement grâce à la persévérance du personnage masculin que leur lien évolue. Cela rend leur dynamique un peu déséquilibrée.
Avec sa ville calquée sur New York, Élémentaire ne cache pas son ambition de parler d’immigration et de ségrégation. L’eau et la Terre arrivées en premier sont favorisées, tandis que le Feu, arrivé plus tard, se retrouve stigmatisé et relégué dans des quartiers défavorisés. Elementaire parle en toute transparence d’immigration, de communautarisme et de ségrégation pour prôner le multiculturalisme.
Toutefois, étant donné le sujet et le public cible auquel il est présenté, le message du film autant que la résolution des différends est assez simpliste et candide, même si le film offre quelques moments d’écriture plus affûtés et subtile. C’est notamment le cas lors du diner chez la famille de Flack où un Aquatique, très avenant envers Flam et sans aucune animosité, lui glisse au milieu d’une conversation qu’il est bien pratique qu’elle parle aussi bien leur langue, alors que les deux sont nés dans la même ville. Cet exemple très concret, sans habillage fantasque, de racisme ordinaire fait partie des détails les plus surprenants que le film a en réserve.
Au final, un Disney/Pixar qui sauve les meubles mais l’incendie n’est pas encore maîtrisé.
