
2023
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Horreur
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1h36
Résumé
Situé en 1973 sur une île inhabitée au large des côtes de Cornouailles, les observations quotidiennes d’une fleur rare par un bénévole de la faune se transforment en un voyage métaphysique qui l’oblige, ainsi que le spectateur, à s’interroger sur ce qui est réel et ce qui est cauchemardesque.
Osekour, je vois le travail de réalisation et de montage, le message est transmis efficacement mais le visionnage est si douloureux
Film de Mark Jenkin · 1 h 31 min · 10 avril 2024 (France) Genres : Épouvante-Horreur, Drame Pays d'origine : Royaume-Uni Fiche technique Sur une île inhabitée des Cornouailles, une bénévole passionnée de vie sauvage se livre à des observations quotidiennes sur une fleur rare. Sa vie est hypnotique dans sa monotonie, elle répète les mêmes gestes jour après jour, comme un rituel. Au fur et à mesure, des sons et des images provenant d’autres temporalités commencent à s’infiltrer, perturbant progressivement son équilibre...
Enys Men”, mélange insolite d’épouvante, de mythes et de traditions celtiques Seule sur une île, une scientifique étudiant une fleur rare voit des fantômes... Un voyage horrifique au climat captivant, par le réalisateur britannique Mark Jenkin. Une île sauvage des Cornouailles, en avril 1973. Une scientifique, la quarantaine, loge sur place dans un petit cottage. C’est sans doute l’unique habitante de l’île. Chaque jour, elle crapahute sur la lande accidentée pour étudier l’évolution d’une fleur rare, qui pousse à flanc de falaise, à l’autre bout de l’île. Au retour, elle jette une pierre dans un puits profond, attend le son signifiant l’arrêt de la chute, puis elle rentre noter sur un cahier quelques indications (date et température) en mentionnant à chaque fois « Aucun changement » dans la colonne « Observations ». La répétition de ce rituel, le bruit des vagues et du vent, l’atmosphère étrange concourent à créer un climat captivant. Quelque chose va advenir mais quoi ? Peu à peu, la femme semble en proie à des hallucinations, en lien direct avec l’histoire de cette île. Des fantômes — une jeune fille, un pêcheur naufragé, des mineurs d’un autre siècle — font leur apparition, en plus d’un mystérieux lichen qui se forme sur la fleur… Enys Men est un objet filmique vraiment non identifié. Son réalisateur, le britannique Mark Jenkin, lui-même inconnu, le rattache à un courant anglais, le folk horror (horreur folkorique). Autant dire un mélange insolite d’épouvante, de mythes et de traditions celtiques. En l’occurrence, il suffit au cinéaste de faire parler les pierres, la flore, les goélands, d’entendre les échos de chants des Cornouailles. Avec les moyens du bord, aussi limités que ceux de la scientifique. Sa hantise à elle rejoint une forme d’extrême lucidité quant à l’idée d’une mémoire enfouie ne demandant qu’à émerger et d’une nature qu’il faudrait protéger. De l’horreur écoresponsable, en quelque sorte. Sur une île inhabitée des Cornouailles, une bénévole passionnée de vie sauvage se livre à des observations quotidiennes sur une fleur rare. Sa vie est hypnotique dans sa monotonie, elle répète les mêmes gestes jour après jour, comme un rituel. Au fur et à mesure, des sons et des images provenant d’autres temporalités commencent à s’infiltrer, perturbant progressivement son équilibre. TOTALE ECLIPSE Une femme, une île déserte, et presque pas de dialogues : on pourrait croire que le minimalisme apparent d’Enys Men serait synonyme de limpidité. Après tout, que peut-il bien arriver de complexe avec un postulat de départ aussi nu ? On est ravi d’avoir tort car, par le tour de magie de mise en scène, Mark Jenkin parvient au contraire à faire monter en neige sur ce minuscule récif une dimension énigmatique proprement fascinante. Enys Men signifie île rocheuse en cornique, la langue celtique parlée dans la région des Cornouailles. On ignore si c’est bel et bien le nom de l’îlot où se déroule le film, mais à vrai dire on ignore tout autant tout le reste : le nom de cette femme, la nature exacte de ses recherches botaniques, la date exacte où tout ceci se déroule. Cette absence délibérée de réponses est contrebalancée par une mise en scène hallucinée, à mi-chemin entre le bucolique et la terreur, capable de transformer la moindre promenade en bord de mer et rituel surnaturel, le moindre vêtement rouge en spectre de Nicolas Roeg, le moindre tas de cailloux en monolithe kubrickien. Dans son premier film, le fascinant Bait (passé au Festival de La Roche-sur-Yon), le cinéaste britannique Mark Jenkin faisait déjà preuve d’une incroyable inventivité visuelle : images vieillies et retravaillées artificiellement, montage à la poésie brute, paysage sonore méticuleux aux reliefs inattendus. On la retrouve ici dans toute sa singularité, mais elle n’est plus utilisée comme contrepoint à un récit ancré socialement (tradition et modernité dans un port de pêche). Dans Enys Men, Jenkin largue encore davantage les amarres du réel, utilisant et redistribuant avec un appétit contagieux les éléments de la folk horror. Enys Men est un long métrage trop unique pour qu’on puisse l’accuser de suivre des recettes, surtout celles des autres. Au-delà des échos cinéphiles que l’on peut s’amuser à glaner ça et là (comme l’héroïne qui semble voyager dans le temps à mesure qu’elle cueille des fleurs), le film fait preuve d’une absence de concessions admirable, d’une réelle radicalité dans sa manière de privilégier une mise en scène sensorielle et intense à un récit convenu. A rebours de toute classification évidente, Enys Men est un voyage hypnotisant, une oeuvre brève et stupéfiante comme une éclipse. Appelons ça un film ambient. Couleurs saturées, images intensément granuleuses, valses synthétiques aux textures débordantes d’elles-mêmes en musique de fond et sentiment de plus en plus troublant que le temps n’y évolue pas normalement. Appelons ça aussi un film sensation, sons et images idoines aux données que la protagoniste consigne sur un vieux cahier, «21 avril 1973, 14,3 °C, aucun changement.» A chacun ses moyens d’immersion, James Cameron a la 3D en 9K, Mark Jenkin a la pellicule 16 mm, sa propre musique et quelques effets visuels très anciens, les séquences qui reviennent comme des rengaines et celles qui dérapent et, de manière effective et impressionnante, secouent, font flipper. Enys Men est un film d’épouvante, surtout. Elaboré par le Gallois Mark Jenkin dans la tradition de ce qu’on nomme «folk horror», cinéma constellé de références aux histoires sans âge qui circulent indûment sous celles plus officielles de l’Eglise et de la littérature, et de l’hantologie, mouvement culturel, musical et audiovisuel obsédé par les myriades de productions de l’ère analogique (cinéma, radio, série télé) dans lesquelles ces histoires ont infusé, Enys Men est aussi hautement fétichiste. Le film est hanté par un passé fantasmé et rêvé à l’avance, dont les fantômes circulent autant dans le fond de l’image que dans son grain, son souffle et quelques films qui l’ont précédé (The Wicker Man de Robin Hardy semble une référence évidente). La protagoniste (Mary Woodvine) est isolée sur une île imaginaire au large des Cornouailles. Elle dépend de la météo, des livraisons de fioul qui alimentent son groupe électrogène et s’inquiète du lichen qui pousse sur son ventre et de visions d’enfants fredonnant d’une voix blanche des comptines mystérieuses en s’accompagnant au tambourin. Mais ce qui inquiète et fascine proprement dans ce cauchemar insulaire, et circulaire, est cette forme obsédée par une ère révolue et de sa culture interlope, contre-pouvoir onirique des contrées reculées sur lequel l’establishment était bien incapable de faire agir le moindre ordre et la moindre autorité. A bien des égards, Enys Men les reprend à son compte et les brandit en défiance envers l’imaginaire fantastique tel qu’il existe dans le mainstream culturel, où il s’est considérablement normé et appauvri au fur et à mesure des décennies. Succomber à la fantasmagorie de ce beau film provoque non seulement une jouissance, mais une délivrance – ce bonheur de plus en plus rare qu’on trouve à rêver et flipper devant un film, différemment. Titre Enys Men Genre Drame psychologique Sortie 2024 Durée 1h31 Origine Grande-Bretagne SYNOPSIS Partie étudier une fleur rare sur une isolée des Cornouailles, une bénévole passionnée voit son équilibre soudain perturbé par d'étranges phénomènes. CASTING Mary Woodvine la volontaire John Woodvine le prêcheur
Partagé par Léa de Memorizer
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