
2014
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Historique / Drame
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2h30
Résumé
Les dernières années de l’existence du peintre britannique, J.M.W Turner (1775-1851). Artiste reconnu, membre apprécié quoique dissipé de la Royal Academy of Arts, il vit entouré de son père qui est aussi son assistant, et de sa dévouée gouvernante. Il fréquente l’aristocratie, visite les bordels et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. La renommée dont il jouit ne lui épargne pas toutefois les éventuelles railleries du public ou les sarcasmes de l’establishment. A la mort de son père, profondément affecté, Turner s’isole. Sa vie change cependant quand il rencontre Mrs Booth, propriétaire d’une pension de famille en bord de mer.
La vie du grand peintre Turner …. Super intéressant !
Superbe film, qui traite des dernières années d'un grand peintre anglais, JMW Turner, joué admirablement il me semble par Timothy Spall. Les couleurs sont superbes, et très proches de celles des tableaux du maître.
Mr. Turner”, un film comme une toile de maître Du peintre anglais William Turner (1775-1851), Timothy Spall fait un presque obèse à la démarche de crapaud, visage grimaçant, grognements porcins à gogo. Comment, de tant de laideur, jaillit une beauté sans pareille... Dans ce récit fragmenté des vingt-cinq dernières années de sa vie, l’art de Turner est d’abord montré comme un métier. Pas sans analogie avec celui de cinéaste : repérages, croquis comme les esquisses d’un story-board, visite au marchand de couleurs comme on va chez le loueur de caméras. Il est très vraisemblable que Mike Leigh, auteur des féroces Naked (1993) et Another year (2010) partage la misanthropie tranquille de son personnage. Tout au long du film, Turner ne trouve son accomplissement que face aux paysages qui vont l’inspirer — magnifiquement rendus par l’image de Dick Pope, qui a étudié les pigments utilisés par le peintre. Ou au milieu des éléments, le film attestant une légende selon laquelle Turner se serait attaché au mât d’un navire pour être au coeur d’une tempête. La beauté, la vérité du monde résident dans un ciel changeant que le soleil et les nuages recomposent en mille nouveaux contours. Mais certainement pas en l’homme : ni lui-même (« Quand je me regarde dans un miroir, je vois une gargouille »), ni ceux qu’il côtoie, dont la laideur morale accompagne parfois les déconfitures implacables du corps (comme cette servante, et maîtresse occasionnelle, au visage dévoré par le psoriasis). Par petites touches, Mr. Turner installe un sentiment poignant d’élégie. Cerné par la laideur, le peintre s’est entraîné à ne voir que la beauté. Une scène tire les larmes : il chante, d’une voix mal assurée, When I am laid in earth, tirée du Didon et Enée de Purcell. De l’ogre difforme sort la conscience d’un éden perdu. C’est bouleversant. Titre Mr. Turner Genre Biographie Réalisateur Mike Leigh Sortie 2014 Durée 2h30 Musique Gary Yershon Scénariste Mike Leigh Pays Grande-Bretagne - Allemagne - France SYNOPSIS Artiste reconnu, membre apprécié quoique irrévérencieux de la Royal Academy of Arts, le peintre J.M.W. Turner peut compter sur le soutien indéfectible de son père qui est aussi son assistant. Il est également choyé par sa dévouée gouvernante. Il fréquente l'aristocratie, visite les bordels en quête de tendresse et nourrit son inspiration par ses nombreux voyages. Il a beau être reconnu, il est souvent la cible de la bonne société et du public qui ne comprennent pas son art. A la mort de son père, profondément affecté, Turner ne veut plus voir personne. Sa vie change cependant quand il rencontre Sophia Booth, propriétaire d'une pension de famille en bord de mer... Mike Leigh (“Mr Turner”) : “Je voulais montrer un peintre qui se salit les mains” Son film ? Un “anti-biopic”. Son personnage ? Un artiste au travail, peintre de la lumière aussi éloquent que taciturne. Le réalisateur britannique éclaire notre lanterne sur “Mr. Turner”. Sur la banquette moelleuse d'un hôtel parisien, le réalisateur britannique Mike Leigh a faim. Son ventre émet des borborygmes semblables aux grognements poussés par son acteur fétiche, Timothy Spall, qui joue le peintre Turner (1775-1851) dans son dernier film, Mr. Turner. Retour sur la genèse d'un biopic à la fois prosaïque et sublime qui a emballé le festival de Cannes au printemps dernier et sort enfin sur les écrans mercredi Qu’avez-vous demandé à Timothy Spall pour le transformer en Turner ? Ma méthode est toujours la même et n'a pas changé pour ce film : énormément de répétitions avec les acteurs pour faire surgir les personnages. Timothy Spall a fait comme le reste de l'équipe, il a lu les biographies, étudié l'œuvre de Turner. Et bien sûr, il a pris des cours de peinture pendant deux ans et il s'est montré très doué. Dans le quotidien britannique The Guardian, Timothy Spall est comparé à un Toby jug et aux figures de proue des voiliers... Je suis sûr que toutes les pichets en porcelaine et les figures de proue seront fières de la comparaison. Et ces grognements, d’où viennent-ils ? Principalement de nos recherches. De nombreux témoins de l'époque ont rapporté que Turner pouvait être tantôt très éloquent, presque verbeux, employant un langage chargé de références classiques, et tantôt taciturne, renfermé, ne s'exprimant plus que par grognements. Nous avons travaillé à partir de ces références historiques pour construire notre Turner. Certains critiques vous ont reproché d’aller trop loin dans le burlesque, la caricature... Bullshit ! [in english dans le texte] Ce sont sans doute les mêmes qui pensent qu'un biopic doit respecter l'artiste et le transformer en un être merveilleux, irréel, esthétique, presque bionique. Turner n'était certainement pas comme ça. Comment avez-vous découvert le travail de Turner ? Quand j'étais adolescent, à Manchester, je connaissais bien les œuvres de Picasso, Braque, Dali, les impressionnistes, et d'autres artistes du XXe siècle. Turner n'était pas du tout ma tasse de thé. C'était le peintre officiel des paysages ennuyeux qu'on retrouvait sur les boîtes de biscuits. Mon point de vue a commencé à changer quand je suis venu à Londres pour étudier les beaux arts et que je me suis mis à fréquenter les musées. Progressivement, j'ai appris à apprécier Turner et sa façon si bouleversante, dramatique de décrire le monde réel. C'est après avoir réalisé Topsy Turvy [film musical sur le duo de compositeur et librettiste d'opéra, Sullivan et Gilbert, réalisé en 1999] que l'idée d'un biopic sur Turner a fait son chemin. J'ai commencé mes recherches et j'ai trouvé que la combinaison de cette personnalité complexe et de cette œuvre sublime pouvait donner lieu à un film intéressant. Le biopic est-il un genre que vous appréciez ? Pas du tout. Je ne le prends pas au sérieux. Et je ne considère donc ni Topsy Turvy ni Turner comme des biopics mais plutôt comme des anti-biopics qui subvertissent le genre. Un authentique biopic sur Turner aurait bien sûr commencé par sa naissance, puis un garçon obèse, qui ressemblerait à Timothy Spall, aurait été filmé maniant le pinceau, etc. L'intrigue de Topsy Turvy se déroule sur une période de dix-huit mois. Celle de Turner sur les vingt-cinq dernières années de la vie du peintre, mort à 76 ans. La critique d’art n’est pas épargnée dans votre film... Je sais que certains critiques français ont pris offense des scènes avec le jeune John Ruskin [1819-1900]. Mais encore une fois, il ne s'agit pas d'une caricature, ni d'une attaque contre la critique, mais d'un portrait fondé sur des recherches historiques qui décrivent Ruskin comme un jeune homme très précoce, sans aucun lien avec les jeunes de son âge, et très imbu de lui-même. Tous les dialogues du film sont tirés de ses écrits. Nous n'avons rien inventé. Parlez-nous de la lumière et de votre travail avec Dick Pope... Dick Pope est mon ami et mon chef opérateur attitré. Il a éclairé tous mes films depuis Life is sweet (1990). Le film ayant mis du temps à se financer, nous avons eu du temps pour y réfléchir. Et notamment pour analyser les tableaux de Turner, sa palette de couleurs et comment insuffler au film un côté « turnerien ». Parfois de manière très littérale parfois par simple évocation. Le résultat est le fruit de ces années de discussions. Tous les plans de nature, les marines, ont été tournés en décors naturels et la lumière est également naturelle. Même si le tournage en numérique nous a facilité le travail d'étalonnage en postproduction. Nous avons tourné avec une caméra Arriflex et un jeu d'objectifs des années 1940, ceux-là mêmes qu'aurait utilisé Kubrick pour Spartacus, et qui donnent cette lumière plus chaude. Avez-vous regardé ensemble d’autres films sur des peintres ? Je ne fais jamais ça d'habitude mais comme j'ai beaucoup procrastiné pendant la préparation de ce film, j'ai revu quelques films. Le Caravaggio de Derek Jarman en particulier, est un film que j'aime pour ses qualités esthétiques ; tous les acteurs sont sublimes et sexy mais il n'y a pas de personnages. Je voulais au contraire montrer un peintre qui se remonte les manches et se salit les mains car la peinture est certes un art mais aussi un procédé industriel et pragmatique. Quelle est la part d’autobiographie dans votre film ? Aucune. En tout cas aucune assumée volontairement. C'est le portrait d'un artiste au travail, certes, mais il fallu que j'attende les premiers articles au festival de Cannes [le film était présenté en compétition et Timothy Spall a remporté le prix d'interprétation] pour que je sois mis sur cette piste autobiographique. Quand même, l’artiste reconnu par les institutions mais qui a su garder un côté anarchiste, c’est un peu vous ? C'est vous qui le dîtes ! En choisissant de ne traiter que les vingt dernières années de la carrière du peintre William Turner, Mike Leigh semblait ainsi vouloir éviter la structure redondante du biopic – trajectoire ascendante vers le succès/déchéance progressive/renaissance – pour se concentrer sur le glissement de son œuvre vers les prémices de l’impressionnisme. Un choix qui ne l’empêche pourtant pas de reconduire d’autres formes d’académisme, et surtout formule une incapacité à filmer la peinture et l’œuvre au travail. SUBLIMER, EFFACER Cette lacune prend forme dès le plan d’ouverture (un splendide lever de soleil sur un moulin dans un champ) et place Mr Turner sur la voie d’un formalisme figé, qui cherche à élever chaque moment du film à la hauteur de maîtrise des toiles du peintre, notamment sur le travail de la lumière. Se dévoile alors progressivement une volonté de « faire tableau » à chaque plan, en sublimant la réalité qui entoure Turner à chacun de ses pas. Cette tentation du sublime produit deux effets dévastateurs. Tout d’abord, elle prive le réel élaboré par le récit d’être situé dans un ancrage historique et social – piégés qu’ils sont dans le formol d’une reconstitution laborieuse – et donne à la Grande Bretagne des airs de musée à ciel ouvert. Mais surtout, elle rend la peinture de Turner totalement invisible, puisque là où tout est tableau, plus rien ne l’est. L’œil du peintre ne donne plus alors le sentiment de saisir quelque chose qui lui serait singulier, car tout est déjà là, sur l’écran, avant même qu’il ne pose le regard dessus. Cette utilisation du sublime traduit une volonté de nivellement par le haut qui n’est pas nouvelle chez Mike Leigh – c’était déjà ce qui justifiait le thème de la cruauté dans le détestable Another Year, son précédent film – et elle trouve ici un terrain de jeu bien poussiéreux, entre la description tout à fait complaisante de la petite élite bourgeoise que constitue la Royal Academy, et le portrait de William Turner. On retrouve ici un écueil bien connu du biopic, celui du culte de l’artiste incompris, du génie en avance sur son temps, qui permet de justifier tous ses comportements, aussi abjects soient-ils. Le rapport qu’entretient Turner avec son entourage (sa servante qu’il tripote impunément, ses propres enfant dont il se fiche complètement) est ainsi présenté comme faisant partie du « folklore » de sa vie, avec une neutralité, voire même une connivence qui font froid dans le dos. L’artiste dans sa tour d’ivoire, qui se préoccupe peu des affaires de son propre monde et préfère le repli sur sa petite personne, voici ce qui semble intéresser Mike Leigh. Postulat qui fait peu de doutes lors d’une séquence où une jeune femme pose la question – somme toute très pertinente et générant une véritable curiosité – de savoir quelles différences posent le fait de devoir peindre un coucher ou un lever de soleil, et que Turner répond, moqueur : « Dans un cas, le soleil descend, et dans l’autre, il monte. » LE CULTE DE LA PERFORMANCE Cette misogynie latente, particulièrement nauséabonde et lâchement évacuée par le récit, est incarnée par un Timothy Spall (prix d’interprétation à Cannes – faut-il le rappeler ?) qui, dans la lignée des comédiens ayant remporté une statuette pour avoir incarné un personnage célèbre, en fait des tonnes. Le sourcil patibulaire, le regard renfrogné, l’accent prononcé, les grognements de désapprobation ; tout y passe pour faire du peintre un ogre bougon. Mais c’est encore une fois pour retourner les choses à l’avantage du personnage, pour générer de l’empathie avec l’interprète, dont on ne manquera pas d’admirer un peu partout dans la presse la « performance » – terme à la mode pour signifier que plus un acteur barbouille l’écran de tics de jeu, plus cela rendra le spectateur béat d’admiration. Une vision des choses écrasante et malheureusement majoritaire, ne servant qu’à établir des cultes à l’attention d’éphémères idoles, et que certains ne manqueront pas d’appliquer également à la peinture de Turner, pour y trouver des marques de toute-puissance. Et puisque ceux-ci cherchent des maîtres, ils trouveront en Mike Leigh un parfait professeur. CASTING Timothy Spall JMW Turner Paul Jesson William Turner Snr Atkinson Dorothy Hannah Danby Marion Bailey Sophia Booth