
2024
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Horreur
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1h35
Résumé
Zaffan, 12 ans, vit dans une petite communauté rurale en Malaisie. En pleine puberté, elle réalise que son corps se transforme à une vitesse inquiétante. Ses amies se détournent d'elles alors que l'école semble sous l'emprise de forces mystérieuses. Comme un tigre harcelé et délogé de son habitat, Zaffan décide de révéler sa vraie nature, sa fureur, sa rage et sa beauté.
Tiger Stripes”, réjouissante tragicomédie sur une jeune fille en pleine mutation Quand arrive la puberté, Zaffan, Malaisienne de 12 ans, devient une vraie tigresse. Le long métrage d’Amanda Nell Eu traîte de l’adolescence avec drôlerie. Grand Prix de la Semaine de la critique au dernier Festival de Cannes, ce film venu de Malaisie est une surprise réjouissante. La réalisatrice, qui fait ses débuts, a voulu évoquer son entrée dans la puberté, un moment étrange où elle fut, explique-t-elle, dépossédée de son corps, qu’elle-même ne reconnaissait plus mais dont tout le monde, autour d’elle, parlait. Ainsi est né le personnage de Zaffan, une fille de 12 ans qui, dans son école où le voile est de rigueur, a formé un gang de petites chipies avec ses copines Farah et Mariam. Enfermées dans les toilettes, elles font des shows et se filment avec leurs téléphones portables. Mais la délurée Zaffan change. Elle devient sauvage, agressive, il lui pousse des griffes à la place des ongles… Elle est en train de se muer en vraie tigresse ! L’une derrière la caméra et l’autre devant, Amanda Nell Eu et la jeune Zafreen Zairizal sont liées par une complicité qui rend irrésistibles ces quatre cents coups exotiques. Ce tandem féminin fait preuve d’une franche audace en mettant au premier plan un corps qui était caché sous l’uniforme scolaire et se manifeste soudain de manière spectaculaire. Mais, par-delà l’étrangeté, le film parvient à garder une légèreté parfois comique et un parfum d’innocence. L’envie de jouer est sans cesse relancée par un scénario qui s’inspire de l’univers des contes comme du cinéma fantastique, riche d’une longue tradition en Asie et revisité ici à travers des trucages presque enfantins. Bigarré comme le pelage du tigre, voilà un film qui mêle les couleurs et les sensations, en s’adressant à la fois aux adultes et aux jeunes. Il y est question, finalement, d’acclimater la peur, de s’ouvrir à l’aventure de la vie et des changements. Peut-être aussi, pour celles qui n’étaient pas des petites filles modèles, de dompter leur énergie rebelle en faisant de celle-ci un outil d’affirmation de soi. La multiplicité des messages, lancés un peu en tous sens, ressemble à l’adolescence en pagaille. Preuve qu’on est parfaitement dans le sujet. Les nouvelles des antipodes, de la Malaisie comme ici ce premier film, sont quelquefois dépaysantes et familières : le folklore du cru y est redessiné par l’universel de la fable. Ces fictions ressemblent, furieusement et de loin, à nos contes et légendes. On y trouve aussi des plans d’eau douce, de baignades et de jeux, de villages isolés, de familles contraignantes, de forêts, de jeunes filles pour s’y perdre. Ou s’y enfonçant, pour s’y transformer : les «rayures du tigre» qu’évoque dès son titre le film d’Amanda Nell Eu, rappellent assez le sourire du chat de Cheshire d’Alice au pays des merveilles, ce phénomène optique qui reste suspendu en l’air alors que l’animal a disparu. Or comme disait la petite Anglaise : «J’ai souvent vu un chat sans un sourire, mais jamais un sourire sans chat !» On n’a jamais vu de tigre sans rayures, seulement ici on voit une gamine de 12 ans, Zaffan, se couvrir de rayures de sang, la peau lézardée de brûlures, d’éruptions cutanées. Elle a ses premières règles et, sous les quolibets des copines, est prise d’accès de violence de moins en moins réfrénée, fauve, rugissante. Ce récit à demi-fantastique – mais bien ancré dans l’expérience la plus ordinaire et impure d’un corps soudain nubile – traite intelligemment de thèmes de l’adolescence : l’insolence et la puberté, la révolte et la monstruosité, l’horreur intime du corps qui mute. Pilosité, sang, urtication, tout ce bombardement hormonal des filles, Tiger Stripes s’attache à ce qui de l’adolescence entre «en récalcitrance». L’impertinence de Zaffan contre les règles (les autres, scolaires et religieuses) d’abord, mais pas que : son corps est aussi récalcitrant que son esprit, cette violence qu’elle subit de plein fouet est à l’intérieur d’elle-même, aussi fort que la société avec ses exorcismes et charlatans. Les plus beaux plans du film sont olfactifs – les menstrues, le rapport au sang puis aux pulsions carnivores. Zaffan ne tient pas en place, qu’elle danse filmée par ses copines, se cabre, féline, grimpe aux arbres. Hors de contrôle, son devenir tigre et sorcière est un chambardement forcené. Œuvre audacieuse, un peu anodine à cause d’une mise en scène en sous-régime pour sa visée indomptée, on retiendra de Tiger Stripes l’image et le sourire d’une jeune fille qui gigote. ET LE TIGRE EST EN TOI Méfiez-vous des apparences : chez Amanda Nell Eu (lire notre entretien), un hôpital à moitié vide lors d’une nuit paisible peut être le théâtre d’événements inquiétants – comme dans son court métrage Vinegar Baths. De même, qu’est-ce qui se trame dans les toilettes pour filles d’un collège rural dans Tiger Stripes ? A priori pas grand chose, quelques jeux accompagnés de ricanements adolescents. Mais très vite les esprits s’emballent, et dans un monde (l’école, ou la société malaisienne) où les règlements semblent inflexibles, la moindre farce se retrouve punie de manière disproportionnée. Pourtant, girls just wanna have fun et danser sur des vidéos TikTok. Les filles dans Tiger Stripes portent des couleurs pastel, elles sont insouciantes et collent des gommettes étoilées partout où elles le peuvent ; las, avec sévérité, on leur rappelle sans cesse où est leur place. Mais quelle est la place réservée aux adolescentes entamant leur puberté, vue par toutes et tous comme une mutation monstrueuse ? On raconte dans Tiger Stripes la légende urbaine de la fille aux règles surnaturelles, tandis qu’on enseigne la honte d’elles-mêmes aux jeunes filles. L’héroïne, Zaffan, 12 ans, est ostracisée par ses amies, son école, ses parents – mais jusqu’où ? Dans notre précédent entretien, Amanda Nell Eu nous confiait : « J’ai toujours été fascinée par les récits d’horreur (…) et j’ai réalisé que certains de ces monstres n’étaient peut-être pas réellement méchants, qu’il s’agissait d’êtres essayant de vivre leur propre vérité ». C’est l’une des clefs de Tiger Stripes, où l’horreur n’a jamais pour vocation d’être terrorisante. L’horreur et l’humour restent liés chez la cinéaste et l’irruption du fantastique va de pair avec l’apparition du grotesque. C’est l’un des mélanges rafraichissants du long métrage, qui mêle drame social réaliste et généreux cinéma populaire. A mesure que le film, à pas de tigre (et en n’évitant pas, de temps à autres, les répétitions), s’aventure et progresse dans le surnaturel, la lumière devient de plus en plus stylisée, comme si la mutation merveilleuse de Zaffan contaminait également l’image. La densité de l’environnement sonore, la musique dissonante et la place laissée à une nature luxuriante suggèrent la sauvagerie prête à bondir derrière la civilisation. En mêlant comédie adolescente et touches de body horror, Amanda Nell Eu compose un réjouissant récit d’émancipation. Les gens scrutent et scrutent encore ce qui, décidément, ne va pas chez Zaffan. Il n’y a pourtant rien à guérir mais dans ce monde, les choses sont ainsi : rien de plus effrayant qu’une jeune fille qui ne se laisse pas dompter. Tiger Stripes, c’est le récit d’une métamorphose adolescente et d’une émancipation réjouissante. Un portrait comme on en voit peu, entre règles scolaires, quotidien familial et profondeur de la jungle. Combinant pensée magique et cinéma de genre, la réalisatrice pulvérise les injonctions sociétales. Elle célèbre une féminité juvénile triomphante. Ce premier long-métrage audacieux, girly et mordant, kawaï et trash, est un réenchantement pour le cinéma de Malaisie et d’Asie du Sud-Est. Entretien avec Amanda Nell Eu « J’ai eu l’idée du film en pensant à ces changements physiques que nous traversons tous, cette période de transition poignante de l’enfant à l’adulte que nous appelons la puberté. J’ai détesté l’expérience, et je me souviens avoir découvert des choses sur mon corps, en souhaitant si fort qu’elles disparaissent. En plus de cela, je n’aimais pas quand les gens soulignaient ces changements et parlaient ouvertement de mon corps. Je me sentais mal à l’aise, peu sûre de moi, et parfois même monstrueuse. Je pense que nous avons encore des problèmes avec l’égalité des sexes en Malaisie, sur le plan politique et social. Mais, bien que cette histoire se déroule dans mon pays, il y a toujours un énorme problème universel en ce qui concerne les opinions sociales sur les femmes. L’horreur a été l’introduction à ma passion pour le cinéma. J’aime énormément le genre car cela me permet d’être ludique et d’exprimer mon côté humoristique. Je suis également fascinée par la croyance dans le surnaturel dans les cultures d’Asie du Sud-Est. Ces contes oraux sont profondément ancrés dans notre société. Nous avons eu un long processus de casting, et rencontré plus de deux-cents filles, pendant toute la période de la pandémie. Comme nous ne pouvions pas visiter les écoles pour organiser des auditions, nous avons trouvé des filles via Tiktok et Instagram. Zafreen Zairizal, qui joue le rôle de Zaffan, est la première candidate que nous avons rencontrée, et je n’ai jamais pu l’oublier. Dès le premier jour, j’ai su qu’elle avait ce feu à l’intérieur qui était prêt à être déclenché. » Zaffan l’effrontée et le choc de la puberté Dans le collège où règnent le port du voile, la tenue couvrante et la soumission à l’autorité enseignante, Zaffan (stupéfiante Zaffreen Zairizal) ne passe pas inaperçue, à cause de ses éclats de rire à tout bout de champ notamment. Dans les toilettes de l’établissement où les copines se retrouvent en cachette et se filment avec leurs téléphones portables, elle paraît faire le show, essaie un soutien-gorge sexy, déclenche des réactions amusées ou scandalisées chez ses camarades de classe, dans une complicité teintée d’hostilité. L’audace ne fait pas forcément recette auprès de filles délurées mais brimées par des interdits sociaux et religieux. Zaffan se retrouve bien seule lorsqu’elle voit son corps se transformer, sans savoir de quoi il s’agit : les premiers signes de la puberté, le sang des premières règles, d’autres modifications plus profondes…Pas question de se confier même à ses deux amies Farah (Deena Ezral) et Mariam (Piqa), encore moins aux autorités académiques ou à sa mère (aimante mais très conformiste). D’autant que cette puberté précoce et sa rébellion contre ce corps qui lui échappe la rendent peu fréquentable par des filles n’ayant pas le même vécu. Ces dernières se montrent de plus en plus agressives à son égard et lui font subir un harcèlement en règle. La rebelle résiste cependant à pareil traitement au fur et à mesure d’une mutation physique et psychique de son corps, une mutation littéralement fantastique aux conséquences colossales. Le ‘devenir tigre’ de l’héroïne et son insolente puissance transgressive Le règne animal dans lequel entre Zaffan se manifeste pour nous, spectateurs pris dans son sillage par des détails ne sautant pas nécessairement aux yeux d’un entourage social, amical ou familial qui la voit de moins en moins de près ! Elle rejoint en effet à une vitesse bondissante la jungle proche, ses fauves cachés, sa flore chamarrée et ses bruissements mélangés. Elle profite d’une nature favorable à l’énergie débordante qui monte en elle. Des yeux félins, une bouche aux dents acérées et au sourire carnassier et, en une fraction de seconde, la vision fugitive d’une grande queue à rayures dans son dos. La ‘possession’ de la jeune fille, effrayante et hideuse incarnation d’un démon, déclenche des réactions en cascades dans la communauté. Zaffan, la tigresse, fait front avec une détermination qui ridiculise ses adversaires de tous poils. Si la versatilité voire le manque de solidarité des autres écolières s’expliquent par l’ambivalence et la fragilité de leur jeunesse, la volonté des adultes de soumettre la ‘bête’ se manifeste au grand jour avec sa dimension (universelle) de meute primaire, animée d’intentions meurtrières. Il faut regarder avec attention, acculée à l’intérieur de la maison, Zaffan la démoniaque faire reculer une foule excitée menée par un ‘exorciste’ prétendant extirper le monstre qui est en elle à coups de paroles rituelles, sans faire reculer d’un centimètre la proie à qui le religieux exalté veut faire rendre gorge. Un montage cut ne nous montre pas le sort réservé à ce prétentieux mais le plan suivant nous offre la vision réjouissante d’un important morceau d’os roulant sur le chemin voisin. La célébration ludique et fantastique d’une adolescente combattant pour sa liberté Pas besoin de croire aux miracles pour accompagner du regard Zaffan et la voir rejoindre la jungle sauvage, comme si, au-delà du déploiement de sa puissance, elle y puisait de nouvelles sources d’énergie et d’autonomie et reprenait, en un paradoxe apparent, possession de son corps et forme ‘humaine’. Une révolte salvatrice puisque la fiction singulière nous donne à voir in fine des images filmées par leurs téléphones portables des copines de Zaffan la rebelle, leurs visages rieurs, leurs corps secoués par une danse endiablée rythmée par une musique d’enfer ! Laissons parler Amansa Nell Eu : ‘cette histoire est une parabole du combat intime que nous livrons pour révéler notre nature sauvage et notre individualité, pour embrasser notre indépendance et la force qu’elle nous offre’. Et « Tiger Stripes », au fil d’un audacieux mélange des genres et d’une joyeuse invention formelle, nous offre une fiction furieusement féministe. Titre Tiger Stripes Genre Film d'horreur Sortie 2024 Durée 1h35 Origine Taïwan SYNOPSIS En Malaisie, une jeune adolescente voit son corps se transformer alors que son école, au même moment, se retrouve sous l'emprise de forces étranges. CASTING Zafreen Zairizal, Deena Ezral, Piqa, Shaheisy Sam, Jun Lojong, Khairunazwan Rodzy, Fatimah Abu Bakar. Shaheizy Sam le docteur Rahim Zafreen Zairizal Deena Ezral Piqa Shaheisy Sam Jun Lojong Khairunazwan Rodz Fatimah Abu Bakar
Bordélique, manque de rythme, mais troublant de sincérité.
Grave en Malaysie, pas mal, typique de Gérardmer
Dans la société malaise histoire des transformations d’une enfant en jeune femme, film parfois un peu barré mais très touchant