Peut-on vraiment critiquer Wall-E ? C’est rare qu’un film Disney/Pixar fasse l’unanimité.
En 2805, les terriens ont abandonné leurs poubelles. En effet, ils ont décidé d’embarquer sur une croisière intersidérale pendant que la société Buy-N-Large s’occupe de dépolluer la planète.
Sauf que Wall-E est le dernier robot compacteur en état de marche, et qu’en réalité, la terre a été abandonnée sans aucune intention d’y retourner. Alors le robot ramasse les déchets pour mieux tromper sa solitude. Il trouve une racine, par hasard.
Dans la foulée, un autre robot, EVE, débarque sur Terre pour examiner le sol et confirmer si une forme de vie est de nouveau possible. WALL-E, tombé sous le charme d’EVE, l’invite dans son petit appartement coquet pour lui offrir la petite plante qu’il a trouvée. EVE s’en empare, se met en veille et repart dans l’espace. WALL-E la suit sur le vaisseau spatial Axiom, où les humains mènent une vie robotisée -littéralement-, les membres atrophiés par le manque d’activité et l’accumulation de calories. Si une trace de vie est détectée par le holo détecteur, la mission se dirigera automatiquement vers la Terre. Cependant, AUTO, l’ordinateur de bord (Sigourney Weaver y donne sa voix), ne l’entend pas de cette oreille. Il obéit à une directive du patron de BNL vieille de 700 ans.
Le film est donc à la fois prémonitoire et poétique, car le futur qu’il dépeint est non seulement plausible, mais aussi empreint d’une beauté envoûtante.
Prémonitoire car dans ce monde dystopique, l’humanité a poussé la surconsommation à son paroxysme, transformant la planète en un gigantesque dépotoir. La surabondance de biens a asservi les humains, les rendant marionnettes d’une société toute-puissante. Cette société a réussi à les inciter à abandonner la Terre, et elle continue de les contrôler, les empêchant de retourner sur leur planète natale.
Poétique car le film est remarquablement bien construit, transmettant efficacement ses messages. La première partie du film est même dépourvue de dialogues, mais elle nous captive par la description de son monde unique et l’introduction de personnages extraordinairement originaux et attachants. De plus, le climat glauque d’un monde en ruines et déserté est dépeint par des images au réalisme impressionnant. L’intrigue amoureuse entre Wall-E et Ève est touchante, malgré le fait qu’ils soient des robots, ce qui est un exploit remarquable. Cela permet de nous emmener à bord du vaisseau des humains et d’observer leur mode de vie et les conséquences destructrices de notre civilisation ultra-consommatrice. Bien que le message écologique soit peut-être un peu trop appuyé, il sert de rappel salutaire des dangers potentiels de notre mode de vie actuel. La construction solide du film garantit que ce message passe efficacement.
Au final, « WALL-E, c’est sortir de ses gonds encrassés.
La routine est perverse au sens où elle ne cherche pas à s’imposer. Au contraire, elle s’installe progressivement. Il s’agit d’une voix qui n’est pas autoritaire. Plutôt douce. Sans faire rêver, elle sait endormir sa proie. Se satisfaisant de chaque petite victoire au quotidien. La routine est comme le désert de France Gall, elle avance. Au point qu’un jour on se retourne et notre vie n’a plus rien à voir avec celle dont on rêvait les premiers jours. On se rend compte alors qu’on est devenu tout gros, tout mou… et qu’on ne peut plus sortir de son canapé.
Trop tard. L’auto-pilote a pris le contrôle. On n’est plus le capitaine de son propre vaisseau. Il en va de l’Amérique de Donald Trump qui a imposé son petit bal des horreurs, semaine après semaine: mensonges en pagaille, réflexions machistes par ci, incitations à la haine raciale par là. Et puis hop, on se réveille un beau matin au milieu d’une Amérique rustre et fasciste. Il en va de même de l’environnement. On commence par l’avertissement de la couche d’ozone. Et puis on continue. Les énergies fossiles, les mines de charbon, le nucléaire qu’on ne peut pas recycler. Le continent de plastique. On se donne bonne conscience avec quelques éoliennes, le photovoltaïque, les voitures électriques en prenant soin de ne pas parler de la pile du moteur. Et puis les températures augmentent. La glace fond, les ours polaires maigrissent, les tempêtes soufflent de plus en plus fort, les inondations se répètent de plus en plus fréquemment. Les États-Unis se retirent des Accords de Paris car la planète est importante, mais l’économie l’est encore davantage. À quoi bon une planète saine si l’économie ne fonctionne pas ?
Alors cela chauffe encore et encore. Fake news ? On part dans l’espace comme une autre manière de faire l’autruche, la tête dans les étoiles.
WALL-E montre qu’il n’est jamais trop tard pour sauver les meubles, même sept cent ans plus tard. Il est toujours temps de retrouver un peu de personnalité et prendre ses responsabilités.
Ces machines qu’on accuse de tous les maux remettent sur le bon chemin. Le capitaine McCrea s’inspire de WALL-E. Il fait bien plus que gesticuler, il passe à l’action. Make planet great again et autres jolies formules ne suffisent pas. Il est encore temps de se bouger maintenant si on ne veut pas se retrouver dans un épisode pénible de la Croisière s’amuse. »
