
2018
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Jérôme Ferrari
Résumé
Ce somptueux roman en forme de requiem pour une photographe défunte est aussi l'occasion d'évoquer le nationalisme corse, la violence des guerres modernes et les liens ambigus qu'entretiennent l'image, la photographie, le réel et la mort.
L'avis du club dessus, globalement moi je suis du côté positif et je me suis pris d'intérêt pour ce milieu corse un peu con et la quête de sens de la photographe face à une guerre et une quête d'indépendance sans sens. Après c'est chiant de donner des titres de photos avant les chapitres sans mettre les photos Les débats se sont engagés sur A son image, de Jérôme Ferrari, proposé par Anne. Autant dire immédiatement que le livre a suscité des réactions très contrastées, une majorité ayant aimé voire beaucoup aimé l’œuvre, quand d’autres ont ressenti des faiblesses importantes. La construction, notamment, a largement divisé: les récits complémentaires à l’histoire d’Antonia, traitant de la Tripolitaine coloniale et de la 1ere guerre mondiale dans les Balkans, ont été perçus comme d’utiles zooms sur les liens difficiles entre photo et vérité, ou à l’inverse comme des histoires sans lien clair avec la trame principale, gonflant le récit de trop de fils narratifs. Le choix de séquencer le récit par les étapes d’une messe d’adieu fut généralement salué comme original, même si d’aucuns ont pu relever que les étapes de la messe ne sont pas enchâssées dans l’histoire de vie d’Antonia. L’emploi du personnage du parrain et prêtre comme contrepoint affectueux d’Antonia a laissé davantage de lecteurs sur leur faim - est-il réellement crédible dans sa vocation? Ne s’est-il pas éloigné d’elle au fil des années, comment pourrait-il être encore son confident? La réflexion sur la photographie de reportage et son impossible quête de vérité a souvent piqué la curiosité au sein du club, avec une belle manière de présenter les dilemmes du photographe - faut-il prendre en photo Dragan humilié par des jeunes lorsqu’il rentre chez lui? Que montrer des attentats en Corse? Peut-on vraiment imaginer le message qui sera celui retenu par les lecteurs du journal où la photo sera publiée? Pour d’autres en revanche, le message autour du photojournalisme reste élusif. Enfin, tout commence par et tout revient à Antonia. S’est-elle suicidée sur cette route de montagne? N’aurait elle pu quitter définitivement la Corse, devant cette vie et cette société bloquée, captive des pulsions nationalistes et leurs réalisations dérisoires? C’est un beau personnage qui essaie, qui échoue et repart à l’ouvrage, qui vit, et qui fait comme elle peut. Elle a touché beaucoup de lecteurs, en a dérouté d’autres sur ses intentions - n’est elle pas libre de faire autre chose de sa vie que végéter dans le journal local? Au contraire, n’est ce pas un choix courageux d’anti héroïne pour l’écrivain? Deux aspects ont fait largement consensus: c’est une belle description, très documentée, des impasses et limites du mouvement nationaliste, aux antipodes d’une version romantique des luttes du FLNC; et c’est un livre très juste sur un personnage féminin qui évolue face aux garçons qui l’aiment plutôt mal.
Vernoux 2024 Antonia meurt d'un accident de la route à 38 ans. Elle était photographe. Le prêtre qui célèbre la messe de funérailles est son parrain dont elle était proche. Il se remémore l'histoire de sa filleule, ses liens avec ses copains d'enfance indépendantistes, ses reportages sur les scènes de crime ou en Yougoslavie où elle se rend pour photographier la guerre. Il se remémore aussi sa vie, avant d'être prêtre. L'auteur évoque aussi des photographes qui ont marqué l'histoire, notamment Gaston Chérau qui photographia la guerre italo-turque en Lybie (vers 1912) et Rista Marjanovic, photographe serbe qui couvrit beaucoup de guerres du début du 20ème. C'est une méditation sur la violence des guerres et des hommes, sur le destin implacable et les luttes vaines. Écriture évidemment magnifique ! Jérôme Ferrari : agrégé de philo. DEA de Sociologie. Enseignant en philo à Bastia. Écrit sur le mouvement "Réappropriation" corse. Mais crise interne a déchiré ces mouvements nationalistes. Prix Goncourt 2012 "Le sermon sur la chute de Rome". Écroulement de 3 rêves. Sermon de Saint Augustin au moment de la chute de Rome. Tout se passe dans le huis-clos d'une petite église corse, en pleine chaleur. Le prêtre, parrain de Antonia, prononce le discours funèbre. Elle vient de mourir dans un accident de voiture. Méditation sur la mort. Représentation du réel par la photographie. Tout est-il voué à l'échec ? Comment le film peut-il montrer ça ?
Une jeune femme corse, photographe, se tue dans un accident de voiture, sa vie, en parallèle de l'enterrement, est racontée : ses amours avec le monde nationaliste corse, ses photos pendant la guerre de Yougoslavie, ... très beau, très pudique. Un beau petit livre !