
2025
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Chloé Delaume
Résumé
Parce qu’elle a laissé ses amies organiser leur escapade durant ce week-end de trois jours, Clotilde se retrouve dans une ville qu’elle avait rayée de la carte. Ici, il y a vingt ans, elle a vécu avec Monsieur, un homme qui fit d’elle sa Madame sous prétexte de lui faire du bien. C'est ainsi que Clotilde se dépouilla d'elle-même, jusqu'à devenir un simple objet, mais un objet d'amour. De son assujettissement d’alors, Clotilde a encore honte, et elle a beaucoup de mal à se découdre la bouche pour reconnaître les faits. La preuve : ni Adélaïde, ni Judith, ni Bérangère, ni Hermeline ne connaissent cette histoire, et aucune ne se doute qu’à deux rues de leur location, dans son immense maison, habite toujours Monsieur. Clotilde se demande si libérer sa parole pourrait aider la honte à enfin changer de camp.
Lu en une soirée, embarquée avec cette bande de filles dont une cache un secret qui lui fait honte, si honte qu'elle n'en a jamais parlé. Viol conjugal parce que céder n'est pas consentir, soumission totale au désir masculin qui prend le masque d'un chevalier sauveur. Il a quasi deux décennies de plus qu'elle donc il sait ce qui est bon pour elle. Parfois avec raison, exit la coke et les relations toxiques parfois avec violence en la coupant de tous ses amis, de tout ce qui la nourrit et en l'exilant en province. Elle a tout accepté, étant en situation de précarité financière et d'instabilité psychique, elle en a honte, mot clé du récit. Depuis Meetoo, cette dernière devait changer de camp mais selon Chloé Delaume, il n'en est rien car les hommes n'éprouveront jamais ce sentiment car ils ne le ressentent tout simplement pas dans ce monde patriarcal où tout est fait pour asseoir leur pouvoir et leur domination. Les divers tempéraments des protagonistes apportent des points de vue parfois différents sur cette domination mais elles sont toutes d'accord sur un point : l'homme est coupable dès lors qu'il utilise la force et son pouvoir sur une femme. L'écriture est fluide et travaillée, deux ou trois fois un peu trop, faisant sentir l'étudiante de lettres (je ne connaissais pas l'autrice, j'ai cru que c'était une jeune femme) une référence à Céline sans le nommer, une allusion à l'omniscience de la narration que j'ai trouvées maladroites. En revanche, j'ai bien aimé le chapitre sous forme de scène de théâtre pour célébrer Samhain sous la lune et de prononcer un voeu de renouveau. Roman très intéressant qui fouille les rapports de domination dans nos relations intimes. J'ai adoré la fin et leur jolie vengeance sous forme d'aphorismes cachés dans les recoins de la maison où est enfermée la nouvelle prisonnière de l'ogre.