Le prophète

Éditions Thierry Magnier (Rachid Koraichi) « Comment m’en irai-je en paix et sans peine ? Non je ne quitterai cette cité sans une blessure dans l’âme. Longs étaient les jours de souffrance que j’ai passés entre ces murailles, et longues étaient les nuits de solitude ; et qui peut, sans regret, se séparer de sa souffrance et de sa solitude ? Maints fragments de l’âme j’ai éparpillés dans ces rues, et maints enfants de ma nostalgie cheminent nus parmi ces collines, et je ne puis m’en détacher sans charge et sans douleur. Ce n’est point un vêtement que j’enlève aujourd’hui, mais une peau qu’avec mes propres mains, je déchire. Non plus une pensée que je laisse après moi, mais un cœur par la faim et la soif adouci. » Ouverture p11 « Et il se dit en lui-même : Le jour du départ sera-t-il le jour du rassemblement ?  Et sera-t-il dit que mon soir fut en vérité mon aurore ? » Ouverture p13 «  L’amour fera toutes ces choses de vous, afin que vous sachiez les secrets de votre cœur et deveniez, par ce savoir même, un fragment du cœur de la vie. » De l’amour p.17 « De trop de tendresse connaître la douleur d’être blessé par votre propre conception de l’amour ; et saigner volontiers et avec allégresse. » De l’amour p.19 « Ils donnent pour vivre, car retenir c’est périr. » Du don p.30 « Votre joie n’est autre que votre tristesse démasquée. Et la même citerne d’où s’élèvent vos rires, fut remplie si souvent de vos larmes. Et comment serait-ce autre ? Plus la tristesse qui déchire votre être et profonde, plus grande et la joie que vous pouvez contenir. » De la joie et de la tristesse P. 39. «  dites-moi, avez-vous tout cela en vos maisons ? Ou bien n’avez-vous que le confort et la convoitise du confort, cette chose furtive qui entre dans la maison en convive, puis devient hôte et puis deviens le maître ? » Maison p.42 «  Que de fois vous ai-je entendu parler de quelqu’un qui connaît le mal comme s’il n’était pas l’un de vous, mais un étranger et un intrus dans votre monde ! Mais je dis : De même que le saint ni le juge ne peuvent s’élever au-delà du plus haut qui est en chacun de vous, ainsi, le méchant ni le faible ne peuvent échoir plus bas que le vil qui est en vous. » Du crime et du châtiment p.49 «  Et ceci encore, bien que le mot pèse lourd sur vos cœurs : L’assassiné n’est pas irresponsable de son propre assassinat. Et le volé n’est pas sans reproche d’avoir été volé. Le juste n’est pas innocent des actes du méchant. Et celui aux mains blanches n’est pas propre des actes du perfide. Oui, souvent le coupable est la victime du lésé. Et plus souvent encore, le condamné est porteur de fardeau pour l’innocent et pour l’irréprochable. Vous ne pouvez distinguer le juste de l’injustice et le bon du cruel. Car ensemble ils se tiennent en face du soleil, tout comme son tissés ensemble les fils blancs et noirs. » Du crime et du châtiment p.50 « car, vous ne pourrez être libres que lorsque le désir d’atteindre la liberté sera devenu votre armure, et que vous aurez cessé de parler de liberté comme d’un but et d’un accomplissement. Vous serez vraiment libres lorsque vos jours ne seront pas sans anxiété, ni vos nuits sans besoin et sans peine, mais plutôt lorsque ces choses ceindront votre vie et que même vous vous élèverez au-dessus d’elles nus et déliés. » De la liberté p.55