
2022
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Sonia Devillers
Résumé
Ma famille maternelle a quitté la Roumanie communiste en 1961. On pourrait la dire "immigrée" ou "réfugiée" . Mais ce serait ignorer la vérité sur son départ d'un pays dont nul n'était censé pouvoir s'échapper. Ma mère, ma tante, mes grands-parents et mon arrière-grand-mère ont été "exportés" . Tels des marchandises, ils ont été évalués, monnayés, vendus à l'étranger. Comment, en plein coeur de l'Europe, des êtres humains ont-ils pu faire l'objet d'un tel trafic ? Les archives des services secrets roumains révèlent l'innommable : la situation de ceux que le régime communiste ne nommait pas et que, dans ma famille, on ne nommait plus, les juifs. Moi qui suis née en France, j'ai voulu retourner de l'autre côté du rideau de fer. Comprendre qui nous étions, reconstituer les souvenirs d'une dynastie prestigieuse, la féroce déchéance de membres influents du Parti, le rôle d'un obscur passeur, les brûlures d'un exil forcé. Combler les blancs laissés par mes grands-parents et par un pays tout entier face à son passé.
Une plongée au coeur de l'antisémitisme roumain à travers le destin des parents et grands parents de Sonia Devillers, des juifs qui ne se sentaient pas juifs et qui traversaient les tempêtes, inlassablement rattrapés par cette judéité qui les définissait à leur insu. Le récit est documenté, les recherches en archives ont du être passionnantes et l'histoire de cette famille a le mérite de réunir ces informations et de tracer sur la continuité ce qu'est l'antisémitisme, un mal sournois dont on n'est jamais certain de l'avoir vaincu, quel que soit le régime politique en place. Ainsi en est-il de la Roumanie qui va continuer à se "débarasser" de ses juifs d'une manière ou d'une autre des années 30 aux années 80 (de l'alliance avec l'Allemagne nazie au régime communiste). En les massacrant puis en les vendant contre des cochons... Ils étaient 750 000 avant la seconde Guerre Mondiale, ils sont à peine 10 000 à la chute de Ceaucescu. Le livre tient l'émotion à distance, c'est une forme de pudeur, c'est aussi une force.