Aviator se concentre sur la vie d’Howard Hugues, aviateur et homme d’affaires américain. Après quelques péripéties, le film arrive entre les mains de Martin Scorsese qui décide de se concentrer sur une vingtaine d’année de sa vie, commençant sur le tournage du film Hell’s Angel jusqu'au vol de son avion fétiche, le Spruce Goose, le plus gros de l'époque.
Pour en arriver à une telle réussite personnelle à la fois dans le domaines du cinéma et dans celui de la technologie aérienne, Hugues devra batailler dur, avec obstination. Ses films, par leur hardiesse, choquent les âmes bien pensantes des commissions de censure. Ses avions à la technologie révolutionnaire froissent la compagnie officielle PANAM. Son but, et il y parviendra: imposer à l'État sa propre compagnie, la TWA. Malheureusement, la fin des jours de cet homme inventif et puissant ne sera pas à la hauteur de sa brillante carrière de précurseur.
Scorsese décide de passer sous silence certains moments phares de la vie de Hughes, pour mieux en mettre en avant d'autres. Il prend le parti de se concentrer sur l'homme et sa psychologie, n'évoquant pas, par exemple, certaines opinions politiques douteuse. Finalement, cela s'avère une réussite, Scorsese nous passionne pour ce milliardaire, génie et mégalomane. Il étudie avec profondeur et complexité ce personnage, abordant avec brio plusieurs faces de sa personnalité tels que sa passion pour l'aviation et le pionner qu'il a été dans ce secteur, mais aussi le cinéma, ou encore le côté industriel et bien sûr sa vie privée et son rapport avec les femmes.
C'est la formidable destinée d'un homme hors du commun qui nous est relatée de fort brillante manière. Il est vrai qu'Howard Richard Hugues est un véritable personnage de roman. C'est un séducteur auprès des femmes (sa liaison avec l'actrice Katharine Hepburn fut passionnée), mais aussi un tempérament de feu pourvu d'une imagination et d'une énergie sans limite dans des domaines aussi différents que le cinéma et l'aviation. De plus, il ne doute de rien. Sûr de lui, de son bon droit et dopé par les avantages que peuvent lui apporter sa fortune, il n'hésite pas affronter les plus hautes institutions, se croyant indispensable à sa nation. En fait, ce personnage est, malgré sa vanité, un avant-gardiste autant dans l'art cinématographique, que dans le monde de l'aviation où sa devise semble être: toujours plus vite, toujours plus gros. La chance lui sourit. Grâce à son culot, il abat sans relâche les obstacles que lui tendent l'administration et les dirigeants de la compagnie aérienne "officielle"qui tient à garder le monopole des grandes relations étrangères. Malheureusement, le héros a une faille et celle-ci lui sera fatale. En effet, une psychose obsessionnelle le tenaille très tôt et va en s'aggravant. Il est resté traumatisé par sa mère, dans son enfance, à cause des épidémies et des nécessité d'hygiène paroxystique. Malade, devenu presque fou, il aura dépensé sa fortune pour la réalisation et la promotion de ses films jugés scandaleux à l'époque, mais aussi dans la technologie de l'aviation où rien ne sera trop cher ni trop beau pour défendre et promouvoir la TWA, sa compagnie.
Le climat de l'époque est fidèlement reconstitué, ce qui donne une force de persuasion supplémentaire à l'intrigue
Leonardo DiCaprio est le pillier de cette histoire dramatique. Il fait une interprétation géniale, criante de vérité et de crédibilité. Il attire toute l’attention du spectateur. DiCaprio présente Hughes avec tellement d'humanité. Ses expressions faciales, ses microexpressions et son comportement général mettent en évidence son grave TOC et il y a même des moments de lavage des mains qui sont si difficiles à regarder qu'ils ressortent comme les scènes les plus troublantes du film à mon avis. Cela dit, DiCaprio est également capable de dépeindre le génie complexe de Hughes, car nous voyons comment son ambition se heurte à l'aspect pratique des situations. Il est non seulement prêt à faire faillite pour financer ses rêves, mais également il est le cauchemar de son financier Noah Dietrich et diverses personnes morales autour de lui.
Les seconds rôles sont tous magnifiques notamment John C. Reilly en homme de confiance d'Howard Hugues, Alan Alda dans le rôle du sénateur, et bien sûr, Cate Blanchett qui remporta l'oscar du meilleur second rôle féminin pour son interprétation plus vraie que nature de Katherine Hepburn. Sa performance est vraiment impressionnante et son oscar vraiment mérite. Il n’y a aucun rôle qu'elle ne peut assumer et ici, en tant que Katharine Hepburn, actrice elle aussi, elle présente une femme aimante et attentionnée dans la vie de Hughes qui comprend le vrai lui. Elle est son seul véritable amour qu'il a laissé s'enfuir, pour qu’elle puisse se marier à la personne qu’elle aimait vraiment. Et même si Kate Beckinsale dans le rôle d'Ava Gardner est solide, je n’ai pas l'impression qu'elle ajoutait une autre couche à ce film en termes de façon dont Hughes gérait sa vie amoureuse alors qu'elle restait dans les parages malgré l'idée très claire qu'elle ne se mariera jamais et ne sera jamais amoureuse de lui
Toutefois, malgré toutes ces qualités, je me suis un peu ennuyé par endroits, le film accuse quand même quelques longueurs et quelques creux, c'est un récit intime à gros budget (reconstitution du portail du Grauman's Chinese Theatre) en même temps qu'un vrai film d'auteur, mais un peu plus de fluidité aurait été bienvenue.
Au final, ce que veut nous raconter Scorcese ici, c’est la vie tumultueuse d'un homme assez méconnu, mais au combien déterminant pour son époque.
