
1944
•
Drame / Guerre
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1h37
Résumé
Un navire américain est coulé par un sous-marin allemand. Les survivants gagnent un canot de sauvetage, bientôt rejoints par Willy, un marin appartenant à l'équipage du sous-marin, également naufragé. Tandis que Willy prend le contrôle de l'embarcation, une liaison semble naître entre deux rescapés, la journaliste Constance Porter et le mécanicien Novak.
Drame • de Alfred Hitchcock • 1 h 36 • 1956 • États-Unis • avec Henry Hull, John Hodiak, Mary Anderson, Tallulah Bankhead, Walter Slezak, William Bendix. Neuf personnes se retrouvent sur un canot de sauvetage après le torpillage de leur paquebot par un sous-marin allemand. Issus de milieux sociaux très différents, ils font la difficile expérience d'une survie en communauté. ▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️▪️ Les spectateurs parisiens pourront s'étonner de ne voir ce très intéressant film que treize ans après sa réalisation. Lifeboat s'inscrit dans l'œuvre d'Alfred Hitchcock qui à ce jour, tourna cinquante-quatre films, entre l'Ombre d'un doute, datant de 1943 également, et la Maison du docteur Edwards. C'est dire que le célèbre réalisateur britannique ne dirigeait que depuis trois années les acteurs et les techniciens de Hollywood et cela m'explique assez bien le style, tour à tour humoristique et pathétique mais rarement départi de retenue, de Lifeboat. Et pourtant Dieu sait que le scénario emprunté par Jo Swerling à un " sujet original " de John Steinbeck prêtait aux pires trilles mélodramatiques. Dès la première image nous sommes, j'ose l'écrire, dans le bain... du fait d'un sous-marin allemand venant de couler un cargo américain; seuls quelques survivants flottent dans la brume, tentant de regagner l'unique canot de sauvetage à bord duquel une jeune femme en manteau de vison se désespère de voir filer les mailles de son bas. Ce début m'a fait craindre le pire car enfin la manière des " comédies américaines " d'avant-guerre ne s'imposait pas pour relater l'un des drames de la mer où périssent tant de civils lors des conflits mondiaux. Et d'un autre côté, connaissant le tact et l'intelligence d'Hitchcock, il paraissait bien improbable qu'il eût commis cette faute de goût sans de bonnes raisons. Nous nous apercevrons bientôt qu'elle rehaussera d'un contraste valable la définition psychologique de chacun des sept ou huit personnages qui trouveront place sur la barque - sur ce Lifeboat, titre que j'aurais volontiers traduit en français par Planches de salut. L'analyse d'un groupe humain, placé dans une situation tendue à l'extrême et isolé de son milieu social, donne parfois de passionnants résultats à l'écran. Faut-il rappeler que c'est à de tels points de départ que John Ford doit ses plus incontestables succès tels que la Chevauchée fantastique ou la Patrouille perdue ? Ainsi pourrait-on parler du Trésor de la sierra Madre et de mille autres films comme, par exemple, notre Grande Illusion. Ici les caractères sont fortement différenciés les uns des autres : entre autres ceux d'un riche entrepreneur de chantiers aéronautiques et d'un baroudeur tatoué au hasard de ses liaisons d'escale ; celui d'un bon bougre de travailleur américain, amateur de base-ball et qui grogne en cherchant à cueillir la fleur bleue dans ses bals de quartier ; l'esquisse d'un nègre, voleur de vocation, mais qui broute pourtant dans les " verts pâturages " de sa religion ; le portrait d'une jeune écervelée, bébête, mais qui va reprendre conscience ; la figure centrale de notre héroïne initiale, la dame aux fourrures douces, aux pierreries étincelantes, insensible, dit-on, mais qui nous livrera bientôt un tout autre visage. Lorsque je vous aurai dit que, du U-boat allemand coulé par le cargo dans le même temps qu'il le torpillait, surgira un seul rescapé, et que ce nazi convaincu sera recueilli (mouvements divers) par nos amis..., je ne saurai aller plus loin sans devancer votre plaisir ou votre émotion. Qu'il suffise de prévenir le lecteur que ce film, entièrement tourné à bord du canot précité, n'est pas dans l'habituelle tradition des autres réalisations d'Alfred Hitchcock; soulevant des problèmes que l'on ne peut traiter avec la légèreté chère à l'auteur de Qui a rué Harry ? ou de la Main au collet, il joue le jeu : ce qui n'exclut pas certains moments de détente et... de constants rebondissements où la nature, les éléments, les hommes entrent à parts égales. En bref je ne saurais trop conseiller de voir Lifeboat; ce n'est pas parfait j'en conviens, mais j'aime ces défauts-là en ce qu'ils laissent, pour une fois, percevoir les battements de cœur d'Alfred Hitchcock. Tous les interprètes sont dignes d'éloges, notamment Tallulah Bankhead et William Bendix, qu'entourent Walter Slezak, Mary Andersen, John Hodiak et les autres rescapés de ce radeau de la Méduse. LE MONDE • Par HENRY MAGNAN • Le 05 juin 1956.