
2023
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Rose Lamy
Résumé
« L’agente immobilière m’avait prévenue : parapher la page 3 de mon bail n’allait sûrement pas me plaire. Il y était écrit que je m’engageais à occuper mon nouvel appartement “en bon père de famille”. Un bon père de famille, c’est un personnage de droit qui représente la norme, le neutre universel autour duquel on structure la société. C’est à ce moment-là que tout s’est connecté : quand on m’a contrainte, par écrit, à faire allégeance à un système qui place la moralité des pères au centre, en niant mon vécu et celui de millions de femmes et d’enfants victimes de leur violence. Car finalement, qui était mon père ? Un héros parti trop tôt ? Un monstre misogyne coupable de violences ? La réalité se situe au-delà de ces stéréotypes. Il n’était ni un monstre ni un héros, c’était un homme statistiquement normal. Un bon père de famille. » Dans cet essai à la première personne où s’entremêlent intime et politique, Rose Lamy montre comment les bons pères de famille, en tant qu’individus et en tant que classe sociale, maintiennent le silence autour des violences intrafamiliales. Avec ce nouveau livre où l’on retrouve la finesse d’analyse qui fait son succès, elle achève de s’imposer comme l’une des voix incontournables du féminisme contemporain. Rose Lamy est l’autrice de Défaire le discours sexiste dans les médias (Lattès, 2021 ; Points, 2022).
Violences intra familiales, emprise psychologique et physique, système de domination des pères simples sur les femmes et enfants. Idée que l’organisation familiale repose sur l’exercice d’une violence (dureté) donnée pour légitime et sur la menace de sanctions du père. Idéologie misogyne issue du Code Napoléonien, tyrannie des hommes sur les femmes qu’ils contrôlent et « protègent ». Les violences sexistes sont un continuum, des violences verbales, psychologiques et physiques (colères, crises, violences physiques et morales). Histoire de Bertrand Cantat : mise en balance des mots et des coups, crime passionnel, « oui mais c’est parce qu’il l’aimait »… Violence bienveillante, regard paternaliste et condescendant, raisonnements concessifs (je suis pour le féminisme, mais…). La violence des bons pères de famille, socialement intégrés, n’est pas celle des montres. C’est toujours des accidents ou débordements : trop amoureux, maladroits, bourrés, malheureux, jaloux, enthousiastes, mais pas violents. Les femmes sont aussi responsables, là où les victimes d’agresseurs sont entièrement innocentes. Cette « croyance en un monde juste » où la victime l’a bien cherché ne permet pas d’interroger la société et implique qu’on n’y a pas de raison pour que la situation se reproduise ! Ils se protègent les uns les autres. Or dans 91% des viols déclarés, la victime connaît l’agresseur, et 45% est leur conjoint ou ex. Il y a 45 interventions par heure de la police pour violences intrafamiliales… Une femme meurt tous les 2 jours et demi en France dans le cadre de violences intrafamiliales… Une Française sur 10 se déclare victime d’inceste. Traitement des meurtres de femmes avec sensationnalisme dans les médias. Cela pousse les femmes à quitter l’espace public et à rejoindre la sphère familiale, s’y croyant plus safe, en réalité le théâtre privilégié des espaces domestiques. Traiter les affaires de violences de façon individuelle ne permet pas de mettre au jour le continuum de violence ni la structure sociale qui permet l’impunité des hommes violents. Les hommes violents sont l’incarnation d’un système dysfonctionnel qui porte en lui les germes de la violence. Contrairement à la violence chaotique et aléatoire des monstres, celle des étranger suivrait un référentiel culturel, religieux et social, qui entrerait en concurrence avec l’organisation des bons pères de famille. Les personnes racisées sont perçues comme « autres » versus le groupe des « Blancs » dominants perçus comme le référent universel. Cela vient aussi justifier des politiques sécuritaires, islamophobes et anti-immigration. Cela intègre la mysoginie comme étant intrinsèque au musulman, arabe, migrant, ce qui appuie le projet raciste et nie toute mysoginie et violence patriarcale dans son camp politique. Il y a tout un discours contre le « Neo-féminisme » qui ferait un procès au mâle hétérosexuel blanc, au lieu de se concentrer sur les causes des femmes musulmanes opprimées par exemple. Séparer l’homme de l’artiste. Les victimes sont considérées comme des collatéraux, ou le combustible même, pour que les hommes continuent d’enrichir le monde politique, culturel, artistique, sportif. Se distinguent des hommes modestes, les bons pères de famille ratés, qui se sont fait prendre « ivres », là où l’élite a l’élégance d’agir en marge et d’organiser autour d’elle un système de protection.
Lu sur ma Kobo, très facile à lire, sujet posé sur l'expérience perso de l'autrice. Je pensais que ça serait plus porté sur les pères, la paternité. Mais enfaite c'est plus sur la violence sexiste de monsieur tout le monde. Mais c'est très sympa quand même
Un essai dans la continuité de son premier qui reprend encore des exemples dans la presse mais cette fois elle y ajoute des éléments de son histoire personnelle (un père violent envers sa mère mais dont elle n'a pourtant gardé que des souvenirs positifs, l'image d'un homme serviable aimé de tous) Elle distingue ici les VSS commises par les "bons pères de familles" de celles commises par "les autres". Les bons pères de famille commettent ces actes dans l'intimité du foyer et ils n'ont pas un fond violent même si parfois ils "dérapent". Elle donne l'exemple d'un jeune homme admis à Stanford qui a violé une de ses camarades et dont le père l'excuse ainsi "c'est un lourd prix à payer 20ans de sa vie pour 20min d'action". Il ne sera finalement condamné qu'à 6 mois de prison. Les bons pères de familles sont solidaires et se défendent dans les affaires touchant leur sphère ("il faut séparer l'homme de l'artiste"). Ils s'appuient sur l'image du "monstre" ou de "l'étranger" pour montrer tout ce qui les oppose à ces personnages. Rose Lamy montre ici encore que le traitement médiatique des féminicides renforce cette dualité puisqu'on cherche à comprendre comment un tel monstre a pu passer inaperçu pendant des années (bon voisin, gentils collègue etc.) au lieu d'insister sur la "banalité" / "universalité" de ces violences qui peuvent être commises par un homme lambda. Sur la séparation de l'homme et de l'artiste : "Les œuvres sont indissociables des hommes qui les produisent parce qu'elles portent en elle un point de vue situé socialement, politiquement, moralement. C'est pour cette raison qu'on les contextualise dans les musées en précisant les conditions de vie ou la santé physique et psychologique de l'homme au moment de la création."
Important de s'ouvrir l'esprit quand on est un homme blanc hetero :-) quelques tres bons arguments et exemples, qui ouvrent les yeux sur le sujet des violences familiales. d'autres moins percutant. une bonne conclusion, empreinte d'une certaine humanité.
Cet essai est d'intérêt général. Rose Lamy expose très bien les mythes du monstre, de l'étranger et du pauvre face aux bons pères de famille, qui sont pourtant responsables d'une grande majorité des violences sexistes et sexuelles. Cela fait douloureusement écho avec l'actualité...
Livre très intéressant et clair sur "les bons pères de famille" qui nous fait comprendre l'ampleur du patriarcat, que les monstres n'existent pas mais qu'au contraire c'est une violence systématique !
Adoré mais sujet très déprimant
💜