Superbe livre
« — Tu es à un carrefour, Joy. Depuis que je t'ai rencontrée, tu es à la recherche de ta liberté et de ta joie qui t'avaient échappé. À toi de voir si c'est au sein de la Huitième Sphère et auprès d'Ugo que tu pourras les retrou-
ver.
Joy paraît tourmentée de nouveau.
— Mais, Benjamin, je ne peux quand même pas me retrouver au chômage. Tu imagines la galère ? Repartir de zéro, sans la certitude d'être capable de rebondir... C'est compliqué, cette décision. Certes, la Huitième Sphère, ce n'est pas le paradis, mais ce n'est quand même pas si mal, surtout si j'ai pu m'expliquer avec les uns et les autres, tu ne trouves pas ?
Joy le regarde intensément comme pour puiser dans ses yeux à lui des réponses. Est-ce qu'elle espère son approbation ? Il soupire et tend sa main vers les cheveux de Joy pour replacer une mèche derrière son oreille.
— Personne d'autre que toi n'arrivera à faire le chemin, Joy. Tout ce que je peux te dire, c'est qu'il y a deux types de choix : le choix guidé par la peur. La peur qui érige des freins, des résistances au changement. Souvent, elle truque ta vision de la situation, c'est la cham - pionne de la renégociation. Elle te fait croire que ce que tu as n'est déjà pas si mal, elle met un voile entre toi et tes aspirations profondes, parce que même si ta situation actuelle n'est pas idéale, tu la connais par cœur, donc elle semble plus rassurante, plus facile à gérer que l'inconnu...
- Et l'autre choix ?
— C'est le choix guidé par la joie.
— Ça guide, la joie ?
Benjamin sourit devant sa moue sceptique.
- Oh, que oui !
— Et ça fait comment ?
— Ça fait chaud au cœur !
Tu n'as plus peur. C'est comme un soleil qui se lève à l'in-térieur. C'est une décision qui résonne juste au plus profond de toi. Prendre les choses par le bout du plaisir, choisir la voie qui réveille la joie en toi, des projets qui t'accrochent des ailes dans le dos... Quand la motivation est là, les obstacles tombent d'eux-mêmes ! »
retrouve sans emploi, et dans le flou le plus total sur la suite ?
— La joie sait très bien cohabiter avec le flou dès lors que tu as pris une décision bonne pour toi et que tu choisis d'aller mieux et de marcher vers un endroit bon pour toi.
— Et toi ? Comment tu as fait pour le trouver, cet endroit ?
— J'ai pris le temps, Joy ! Et je m'en suis donné la liberté aussi.
— Qu'est-ce que je dois faire, Benjamin ?
Je suis perdue...
Il ne résiste pas à la prendre dans ses bras et lui parle doucement à l'oreille.
— Va te ressourcer quelques jours chez tes parents ! Va arpenter les bords de mer. Respire, marche, dors bien, régale-toi, profite des tiens.
Je suis sûr que des idées émergeront ensuite.
Elle plante son nez dans son cou comme un joli colibri.
- J'ai peur...
— Tu veux dire que ces gens-là n'aimeraient pas mon p'tit pop-corn tel qu'il est, joyeux, spontané, débordant d'énergie et d'idées ? Il faudrait qu'ils soient fous alors !
— Sans doute qu'on l'est tous un peu dans les agences Luxe...
Mon père croque dans un sablé à pleine bouche et semble réfléchir.
— Je cherche une image... Ah ! Voilà.
Dis-moi, Joy, quand une robe ne te plaît plus, qu'est-ce que tu fais ?
Je hausse les épaules.
- Eh bien, j'en change !
_ Exactement !
— Ce n'est pas aussi simple que ça !
— Mais si, justement, me sourit-il d'une façon désarmante. Tu ne devrais pas te laisser empoisonner l'existence. Et je vois bien que tu te fais des nœuds au cerveau. Suis ton intui-tion, et surtout, là où il y a de la peur, mets de la confiance. Tu verras, je suis sûr que tout va aller beaucoup mieux.
Le film de l'histoire qu'il repasse dans sa tête s'arrête. Le générique défile. Tout son
¿me est envahi par la douceur sucrée du pop-com. Il songe que jamais il n'a ressenti aussi intensément l'essence de ce qu'est :
La joie
Cette flamme, cette ardeur qui vivifie le cœur et réchauffe l'âme, se diffuse en ondées bienfaisantes. La joie comme antichambre du bonheur, la chrysalide de la métamorphose qui engendre le vrai soi.
La joie qui ne coûte rien mais donne beau-coup.
La joie qui ne calcule pas, mais multiplie les sensations de félicité. La voilà qui jaillit telle une source de jouvence car elle n'est jamais loin de l'enfance et de son innocence.
Rien n'est appris dans l'art du spontané. Et si la vie est une danse dont on est supposé connaître les pas, elle trouve néanmoins son exaltation dans l'improvisation joyeuse où l'intuition, la créativité et la liberté s'expri ment. Il n'y a de limites que celles que l'on s'impose. Se désappliquer pour s'impliquer différemment, avec plus de hauteur, et plus de cœur aux commandes, avec sérieux sans se prendre au sérieux, sauf à sérieusement se recentrer sur son essentiel et en abusant des brins de folie raisonnables !
La joie, petite flamme fragile exposée dans sa lampe à huile aux vents contraires. Pro-tégeons-la bien des sombres tourments, écar-tons-nous des étouffoirs ! Car c'est elle qu'il faut suivre pour s'évader de ses peurs. Fabriquons notre joie comme on ferait notre miel.
La joie profonde n'a rien d'éphémère. Elle irradie du tréfonds dans un rayonnement pur et nous apprend que la vie n'a jamais fini de nous surprendre, tant qu'on se laisse porter par les élans de l'émerveillement, créateurs de réenchantement.
Qui sème la joie récolte la tendresse, Et s'envolent des pétales de caresses, Dans un printemps de premières fois...
