
1965
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Drame
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1h50
Résumé
Horreur dans la famille. Une famille renfermée sur elle-même, où fermentent les maladies héréditaires, les amours coupables, les haines hypocrites : une mère aveugle, littéralement et symboliquement ; une déliquescence fin de race, sombrant dans l'épilepsie et l'idiotie congénitale ; un jeune homme amoureux de sa soeur, assassinant sa mère et son frère : tels sont le cadre, le climat, le fil dramatique de ces Poings dans les poches.
MUBI Marco Bellocchio Avec Lou Castel, Paola Pitagora 1965 Film coup de poing justement sur une famille horrible. Bon film mais il m’a lassé. Lou Castel est excellent. 1965
Une famille de fous aveugle malades givrés Noir et blanc 1er film bellochio
Film italien • de Marco Bellocchio • avec Lou Castel, Paola Pitagora, Marino Masse • (1 h 45). Premier film de l'Italien Marco Bellocchio, réalisé à tout juste 26 ans, Les Poings dans les poches fit l'effet d'une déflagration dans son pays, lors de sa sortie en 1965. Il marqua le début d'une radicalisation politique du cinéma italien à laquelle allaient contribuer d'autres cinéastes comme Pier Paolo Pasolini ou Bernardo Bertolucci. Dans un noir et blanc magnifique, avec une musique opératique composée par Ennio Morricone, le film fait le tableau d'une famille italienne rongée par des pulsions incestueuses, des tares congénitales, des non-dits étouffants, qui alimentent silencieusement, jusqu'à la faire exploser, la révolte délirante et froide du jeune Alessandro. Génialement interprété par Lou Castel, extraordinaire de bizarrerie souffreteuse, et dont c'était le premier vrai rôle au cinéma, cet adolescent épileptique va méthodiquement accomplir un carnage parmi les siens. Avant d'en arriver là, Bellocchio pose le décor, utilisant sa propre maison familiale à Piacenza, en Emilie-Romagne. Entre les murs, il installe quatre jeunes frères, vivant plus ou moins retranchés du monde, au chevet de leur vieille mère aveugle. Le film s'ouvre sur une lettre anonyme que vient de recevoir Augusto, l'aîné, et dont on comprend qu'elle a été écrite par sa soeur, Giulia, en vue de briser le couple qu'il forme avec sa fiancée. Au fil d'une succession grinçante de scènes de la vie quotidienne, les relations familiales se dessinent dans une atmosphère de claustrophobie de plus en plus oppressante. Le malaise qui finit par suinter de tous les pores de la demeure, l'âpreté avec laquelle le cinéaste dépeint cette cellule familiale sont renforcés par une science du faux raccord qui donne à la mise en scène, par ailleurs léchée et maîtrisée, un aspect rugueux, nerveux, quasi malade. La dynamique du drame se met en place lorsque Alessandro, qui vient de rater son permis de conduire, se propose de remplacer l'aîné Augusto pour conduire la famille sur la tombe du père. Dans une lettre adressée à celui-ci, il formule le projet de supprimer tout le monde d'un coup en envoyant la voiture dans un ravin et ce afin de le libérer de la charge que fait peser sur lui cette famille. MAugusto, le plus "normal" de la famille, n'attend en effet qu'une chose : convoler avec sa promise, prendre un appartement en ville, et commencer une vie d'adulte. Mais les frais occasionnés par l'état de santé de sa mère, et de son frère Leone (jusqu'à la fin du film, ce dernier ne dit pas un mot, dans la logique du rôle de figurant que lui assignent les membres de la famille), l'en empêchent. Le scandale tient moins au projet d'Alessandro qu'au flegme relatif de son aîné qui, découvrant la lettre une fois le convoi parti, s'accommode sans excès de panique à son contenu. La famille revient intacte du cimetière, mais Alessandro n'a pas renoncé à son projet, qu'il va simplement conduire sous d'autres modalités, déguisant les crimes en accident avec la complicité tacite de Giulia et d'Augusto. La famille, l'Eglise, la bourgeoisie, tous les piliers de la société italienne sur lesquels repose encore l'Italie des années 1960, sont dynamités avec une violence glaciale. Il serait dommage de cantonner le film à cette lecture idéologique. Sa portée est plus grande, comme en témoigne le malaise que provoque encore sa vision. A travers la trajectoire d'Alessandro, en l'inscrivant comme Bellocchio l'a fait dans un contexte socio-historique spécifique, qu'il connaissait bien pour en être issu, Les Poings dans les poches saisit la complexité du conflit entre pulsion de mort et pulsion de vie au moment de l'adolescence. LE MONDE • Isabelle Regnier • Publié Le 23 mars 2010.